L’affaire Julien Dray, puisqu’il faut bien l’appeler comme cela, m’amène à
faire quelques réflexions non pas sur l’individu lui-même, mais sur la Justice,
les médias et la mesquinerie de beaucoup de nos concitoyens.
Je suis systématiquement étonné de la curieuse transparence dont fait preuve
la Justice particulièrement lorsqu’il s’agit d’hommes publics.
Quand ce ne sont pas des pièces à conviction qui sont allègrement
distribuées aux Journalistes (cf. les carnets personnels de Yves Bertrand),
c’est le principe du « Secret de l’instruction » pourtant inscrit en
toutes lettres dans l'article 11 du Code de Procédure Pénale qui est
systématiquement bafoué et avec lui la fameuse « présomption d’innocence
».
Parce que soyons clairs, à partir du moment où une instruction est connue de
tous et dans ses moindres détails, tout le monde devient juge !
Beaucoup y voient la confirmation du très populiste slogan « tous
pourris », certains en profitent pour accabler celui ou celle dont ils ne
partagent pas les idées politiques et d’autres à l’inverse crient au complot
mais tout le monde a un avis !
Ensuite, et quel que soit le verdict rendu après enquête et selon le Droit,
par la Justice, chacun restera avec ses convictions personnelles. D’autant plus
qu’entre le moment ou l’affaire est lancée en pâture sur la Place publique et
le moment du jugement, il peut se passer des mois sinon des années.
Et même si il s’avère que l’Accusé est finalement acquitté, il n’est pas
pour autant tiré d’affaire car il faut tenir compte d'un phénomène en apparence
étrange qui est que le condamné s’en sort souvent mieux que l’acquitté si on en
croit les résultats électoraux ou la popularité des Balkany, Tapie et autres
Mellick.
Cela s’explique pourtant assez bien, il n’y a rien de pire que la suspicion,
or un homme politique qui est acquitté est un homme politique qui a
nécessairement bénéficié des mansuétudes d’une Justice aux ordres. Alors que
celui qui a été condamné, a payé sa dette à la Société comme on dit, et puis le
Français à l’indulgence facile envers l’escroc (voir Kerviel ou Tapie), le
truand (voir Mesrine) et d’une manière générale celui qui a été assez malin
pour détourner habilement la loi.
Les bons démocrates me rétorqueront que le droit à l’information passe avant
tout, surtout lorsqu’il s’agit d’un homme politique qui revendique les
suffrages des électeurs !
Ils me diront que ne rien dire pour un journaliste digne de ce nom, c’est
vouloir protéger les puissants, preuve qu’ont est à la botte du grand capital
ou du Pouvoir politique.
Ce fameux « droit de savoir » est d’autant plus sacré qu’il permet
d’assouvir une curiosité quelque fois à la limite du voyeurisme le plus bas. Un
droit de savoir auquel on tient d’autant plus que tout le monde le sait, si on
ne la surveille pas, la Justice protège les puissants. Un droit de savoir,
enfin, qui permet de se défouler à peu de frais contre cette élite
nécessairement méprisante du pauvre peuple et dont l’unique objectif est de
profiter par tous les moyens de sa (haute) position.
Certes, un homme politique se doit d’être exemplaire du point de vue du
respect du Droit qu’il contribue lui-même à établir et c’est en partie le rôle
des médias que de faire connaitre les agissements de ceux qui abusent d’une
manière ou d’une autre de leur mandat mais à partir du moment ou la justice est
saisie, ce n’est ni aux médias, ni aux citoyens de s’y substituer.
Les medias à la recherche du sensationnel, les citoyens qui y trouvent là un
exutoire et la Justice qui, parfois délibérément, trahit le secret de
l’instruction et en tout cas ne fait rien pour le sauvegarder, ont une grande
part de responsabilité dans la négation du respect de la présomption
d’innocence et plus largement, du respect tout court de celui qu’ils ont cloué
au pilori !