C’est un thème nouveau et relativement exotique pour les économistes qui a été abordé lors de cette table ronde : le bonheur. À partir de données d’enquêtes internationales où l’on interroge les individus sur leur bien-être, les économistes tentent d’identifier aux niveaux macroéconomique et microéconomique les sources de variation du bonheur.
Intervenants : Andrew Clark (directeur de recherche, CNRS), Nicolas Sauger (chargé de recherche, CEVIPOF).Sommaire des vidéos :Entretien avec Andrew Clark, directeur de recherche CNRS (audio et vidéo).
Intervention de Nicolas Sauger, chargé de recherche CEPIVOF.
Intervention d’Andrew Clark, directeur de recherche CNRS.
C’est un thème nouveau et relativement exotique pour les économistes qui a été abordé lors de cette table ronde : le bonheur.
D’après le calcul microéconomique standard, l’agent rationnel fait ses choix en maximisant une fonction d’utilité, censée modéliser le degré de satisfaction des individus. On suppose ainsi que les agents sont plus contents lorsqu’ils consomment plus, travaillent moins, etc. Jusqu’à il y a une quinzaine d’années, aucun travail empirique ne tentait cependant de mesurer directement les déterminants de la satisfaction des individus.
C’est ce manque que se propose de combler l’économie du bonheur. À partir de données d’enquêtes internationales où l’on interroge les individus sur leur bien-être, les économistes tentent d’identifier aux niveaux macroéconomique et microéconomique les sources de variation du bonheur.
Au niveau macroéconomique, le niveau de satisfaction moyen apparaît positivement corrélé au PIB par habitant. Toutefois, les données européennes indiquent clairement deux composantes du bonheur : la dimension individuelle et la dimension collective. Si les Européens, quel que soit leur pays, semblent plutôt satisfaits de leur situation personnelle, ils sont en revanche généralement plus critiques lorsqu’on les interroge sur leur gouvernement, le fonctionnement des services publics ou l’état de la démocratie dans leur pays.
Au niveau microéconomique, les chercheurs ne savent pas bien ce qui rend les gens heureux. Pour un nombre important de variables, la satisfaction individuelle est fortement liée à la comparaison aux autres. Les individus sont indifférents à une augmentation de leur revenu lorsque le revenu des autres augmente de la même manière ; ce qui compte pour eux, c’est d’être plus riche que leurs voisins. De même, les problèmes de santé semblent moins lourds à porter lorsqu’ils sont partagés au sein du couple.
On observe aussi des phénomènes d’accoutumance : toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de revenu n’a un impact positif que de manière transitoire. Les individus s’habituent à l’argent ; plus j’ai gagné dans le passé, plus je dois gagner aujourd’hui et demain pour maintenir mon niveau de satisfaction. Il y a d’autres états auxquels on ne s’habitue pas en revanche. Ainsi, le fait d’être au chômage rend malheureux de manière très durable.
D’autres déterminants ont été testés tels que le mariage, les enfants, mais le champ de l’économie du bonheur reste très ouvert. Entre autres, l’impact de la qualité environnementale ou de l’éducation sur le bien-être des personnes n’a pas été étudié. Au-delà de l’aspect divertissant du sujet, ces travaux ont d’importantes implications en matière de politique économique : si l’objectif d’un gouvernement est de maximiser le bonheur de ses administrés, les résultats dont nous disposons aujourd’hui indiquent ainsi qu’il vaut mieux conduire des politiques de retour à l’emploi que d’augmenter proportionnellement le revenu de tous.