La pétition aurait déjà reçu "16.000 signatures", selon Frédéric Lefebvre, qui y voit un "signe que les Français attendent que nous bougions sur cette question". Néanmoins, l'examen de la proposition de loi Mallié qui a été reporté à la deuxième quinzaine du mois de janvier, officiellement pour "calmer les esprits" a été bien accueilli par une partie des députés UMP, opposés à ce projet de loi.
Une fois de plus, le gouvernement utilise sa logorrhée habituelle et explique jusqu'à l'épuisement qu'il s'agit d'une nouvelle liberté et occultant le fait que la notion de volontariat n'existe pas en droit du travail. Si Monsieur Lefebvre prétend que les français sont enthousiastes à l'idée du travail du dimanche, il "omet" d'expliquer de quelle façon le texte de Richard Maillé risque de s'appliquer aux mêmes français.
Nous allons, notamment avec l'aide de nos amis du site Travail du Dimanche de vous expliquer les enjeux de ce qu'on essaye de vous faire passer pour un banal alignement sur les habitudes commerciales d'autre pays.
Quelle est la législation actuelle, que propose Richard Mallié, et pourquoi le propose-t-il, pourquoi le Gouvernement y met-il une hate aussi frénétique ?
L'esprit de la Loi est :
* d'instaurer un jour de repos par semaine pour les salariés, ceci essentiellement pour des raisons de santé
* que ce jour soit commun à tous, ceci pour des raisons évidentes d'organisation, et de cohésion sociale
* sans que cela n'interdise les travaux qui sont indispensables (hôpitaux, défense nationale, etc), nécessaires (hôtels, restaurants, transports en communs), agréables ou culturels (commerces de bouche, activités culturelles, musées, etc),
* ni n'entrave la liberté individuelle (il est permis à toute personne de travailler le dimanche, hors salariat).
Pour ce faire, elle pose deux principes de base, et un ensemble de dérogations qui en assurent la grande souplesse.
Les principes de base
Ils sont deux :
* il est interdit de faire travailler un salarié plus de 6 jours par semaine
* le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche
Il faut remarquer ici que ces principes ne concernent que les salariés : il est parfaitement légal de travailler soi-même le dimanche, quelle que soit son activité, à partir du moment où l'on n'oblige pas ses salariés à travailler.
Les dérogations au repos hebdomadaire
Il y a tout d'abord les cas de dérogation au repos hebdomadaire : ce sont les cas où il peut être nécessaire qu'un établissement fonctionne 7 jours sur 7.
La loi énumère 8 cas :
* tous les travaux urgents
* le traitement des denrées périssables ou surcroîts extraordinaires de travail
* les travaux dans les ports,
* les activités saisonnières,
* les travaux de nettoyage,
* les services de la défense nationale,
* les activités dites "à feux continu",
* les services de gardiennage
Dans ces 8 dérogations, le cas des "traitement des denrées périssables ou surcroîts extraordinaires de travail" appelle une attention particulière.
En effet, la liste des entreprises concernées, fixée par décret du Conseil d'Etat, regroupe 45 types d'établissements, dont pêle-mêle les fabriques d'appareils orthopédiques, les hôtels restaurants, les boulangeries, les entreprises de dorure pour ameublement, et même les entreprises de voilerie pour la grande pêche !
Bien des items de cette liste ne relèvent pas des cas sous lesquels ils sont classés : par exemple, on ne voit pas pourquoi l'activité délicieusement désuète de "fabrique d'articles de Paris" figurerait dans les activités de traitement de denrées périssables ou de surcroit extraordinaire de travail. Le texte pourrait être utilement revu sur ce point.
Le second point important est que cette catégorie "traitement des denrées périssables ou surcroîts extraordinaires de travail" prévoit que les heures effectuées par dérogation au repos hebdomadaire sont comptabilisées en heures supplémentaires. C'est la seule catégorie qui le stipule. Pour les autres catégories, la seule compensation inscrite dans le Code du Travail est celle d'un repos compensateur. Il serait pertinent, pensons-nous, de "factoriser" les régimes compensatoires dans des articles dédiés.
Les dérogations au repos dominical
Ici, il ne s'agit pas de déroger à l'obligation d'avoir un jour de repos par semaine, mais de déroger à l'obligation de donner ce repos le dimanche.
La distinction entre dérogation au repos hebdomadaire et dérogation au repos dominical est assez subtile, et a été introduite par la recodification du Code du travail (publiée en 2007), sans que l'ensemble des textes n'aient été remis "au carré" dans la logique de cette nouvelle distinction. On peut se poser des questions quant à l'utilité d'une telle nuance, et remarquer que dans une certaine mesure, elle prépare déjà la dissociation entre les notions de repos hebdomadaire et repos dominical.
La Loi reconnaît donc que certaines situations rendent légitime de pouvoir fonctionner le dimanche, et énumère 4 cas de dérogation :
* les "établissements dont l'ouverture ou le fonctionnement est nécessaire"
* les commerces de détail alimentaire
* le travail en continu
* le travail avec des équipes de suppléance
... / ...
Le cas le plus important est celui des "établissements dont l'ouverture ou le fonctionnement est nécessaire". La liste de ces établissements est fixée par un décret du conseil d'Etat daté du 7 mars 2008, et énumère 208 cas dérogatoires.
Au passage, la proposition Mallié parle, elle, de "180 dérogations", chiffre qui a été recopié à l'envie dans tous les médias, et que l'on retrouve même dans la toute dernière version de la proposition Mallié. Selon M. Mallié, il serait impossible de vivre dans un pays où une loi comporterait "plus de 180 dérogations". L'ennui, c'est que ce chiffre provient de la version antérieure (abrogée) du Code du Travail, et que le nombre de dérogations a été porté à 208 par la version recodifiée du même Code ! M. Mallié fait ici la démonstration, s'il en était encore besoin, de sa légèreté dans la connaissance des textes.
De même que la liste des industries relevant du cas du traitement des denrées périssables ou du surcroit de travail mériterait dêtre ré-examinée, cette liste de dérogations au repos dominical nécessiterait une actualisation.
Dérogations accordées par le Préfet
Au cas généraux de dérogations ci dessus, s'ajoutent des possibilités de dérogation accordées par le Préfet. Ces dérogations apportent la souplesse nécessaires, au plan local, pour la prise en compte de spécificités qui n'auraient pas été l'objet des dérogations précédentes.
La Loi énumère deux cas de dérogations qui peuvent être accordées par le Préfet :
* lorsqu’il y aurait « préjudice au public » ou fonctionnement anormal de l’établissement concerné.
* lorsque l'établissement se trouve dans une zone touristique d'affluence exceptionnelle, pour les établissements relevant d'activités de détente, ou de loisirs sportifs, culturels ou récréatif
... / ... Un résumé de la proposition Mallié.
Richard Mallié propose d'autoriser l'ouverture des centres commerciaux le dimanche, dans des zones hyper-urbaines définie d'une manière assez imprécise. Pour le moment, il s'agirait des zones de Paris, Lille, Marseille et Lyon, et les grandes surfaces alimentaires seraient exclues. On imagine bien que ces subtiles distinctions ne tiendront pas, puisqu'actuellement, même sans ces zones, l'Etat ne veut pas faire respecter le droit actuellement - voir texte sur le site de l'Assemblée Nationale
En contrepartie, Richard Mallié inscrit le principe du volontariat dans la Loi : seuls les "volontaires" travailleront le dimanche. Mais personne ne croit à cela (85% des cadres, c'est à dire ceux qui embauchent, organisent l'activité, attribuent les congés et le promotions, n'y croient pas) ... / ...
Que propose Richard Mallié ? Essentiellement, deux choses :
* de supprimer la restriction culturelle qui s'applique aux dérogations accordées par la Préfet, rendant possible l'ouverture de tout commerce de détail, ou de service
* d'ajouter un nouveau cas dérogatoire, permettant aux Préfets d'accorder des dérogations dans les "zones d'attractivité commerciale exceptionnelle" situées dans les unités urbaines de plus d'un million d'habitants.
En contrepartie, elle inscrit dans le Code du Travail deux éléments très controversés :
* le refus de travailler le dimanche ne serait pas une faute susceptible d'entraîner le licenciement
* l'accord collectif prévoyant le travail du dimanche doit prévoir un doublement du salaire, sauf en cas d'accord collectif contraire !
On peut remarquer que M. Mallié, qui se propose dans les attendus de sa proposition de loi, de "dépoussiérer" le texte, ne l'actualise aucunement, ni dans la lettre, ni dans l'esprit, ni dans la logique - alors qu'il est exact qu'il mériterait une refonte - , mais se borne à proposer, sous la pression des lobbies de la grande distribution, d'y adjoindre plusieurs articles supplémentaires taillés sur mesure pour résoudre le problème personnel auquel il est confronté à Plan de Campagne, qui est celui des dérogations illégales accordées à tort par le Préfet.
Un résumé des inconvénient et avantages de la proposition Mallié.
Les avantages :
- elle créera des emplois dans la grande distribution (mais moins qu'elle n'en détruira dans le commerce traditionnel)
- les salariés les plus riches pourront toujours se reposer le dimanche
- il sera possible d'aller faire ses courses chez Ikea, Confo, Leclerc et autre, le dimanche.
Les points neutres :
- elle ne créera aucune croissance
Les inconvénients :
- elle supprimera des emplois dans le commerce traditionnel (mais elle en créera, un peu, dans la grande distribution)
- les salariés, surtout les plus pauvres, seront obligés d'aller travailler le dimanche. Ils ne seront pas davantage payés.
- la santé des salariés risque fort d'être impactée.
- les enfants des salariés au travail, spécialement dans les familles monoparentales, seront livrés à eux-même.
- la vie familiale, sociale, associative, sportive, spirituelle des salariés obligés de travailler le dimanche sera fortement diminuée
- l'ouverture n'étant réservée qu'à certaines zones urbaines, cela créera des inégalités entre citoyens, et des déséquilibres de concurrence entre entreprise
- cela risque d'intensifier la densification des zones urbaines, avec tous les problèmes qui en découlent (pollution, stress, etc), qui n'ont pas été étudiés.
Les points relevant d'un choix de société :
- elle va renforcer le secteur de la grande distribution au détriment du commerce traditionnel, en augmentant ses parts de marché
- elle se base sur une vision économique hyperconsumériste, qui a tendance à démontrer ses limites (surconsommation, surexploitation des ressources naturelles, crise financière)
- elle supprime un rythme de vie commun à tous les français ... / ... Source et dossier complet sur Travail du Dimanche
Oui mais alors que faire pour peser sur ce débat et ne pas laisser la pétition de l'UMP être le seul outil de communication du gouvernement ?
La CGT commerce et services vient de lancer sa pétition contre l'extension du travail du dimanche.
Que disent-ils ?
Salariés/Consommateurs agissons ensemble pour conserver nos dimanches libres. Les ouvertures des magasins le dimanche ne relanceront pas la consommation
Réclamons :
- L’augmentation des salaires et du pouvoir d’achat
- L’arrêt de toutes déréglementations
- Un débat national sur les conséquences des ouvertures le dimanche
Ne banalisons pas le travail du dimanche
Et font le point sur le dernier texte proposé par les députés
Un nouveau texte sur l’ouverture des magasins le dimanche a été déposé hier après midi au parlement. S’agit-il d’un bon compromis ou du comble de l’hypocrisie ?
La nouvelle rédaction accentue le nombre de dimanche ouverts. Elle est encore pire que la précédente.
Seule l'appellation de « zones d'attractivité commerciale exceptionnelle » est remplacée par celle de « périmètre d'usage de consommation exceptionnelle (sic) caractérisé par des habitudes de consommation de fin de semaine ». Ce qui a pour but de légaliser les ouvertures illégales actuelles à Plan de campagne et en Région Parisienne. Des dérogations pourront toujours s'appliquer aux quatre agglomérations de Paris, Marseille, Lyon et Lille.
Les dérogations permanentes pour zones touristiques, thermales ou d'animation culturelle pourront, contrairement à la précédente rédaction, être imposées par le préfet contre l'avis des conseils municipaux.
La cerise sur le gâteau : Les « dimanche du maire » passent de 5 à 8 dans toute la France.
Du coup c'est maintenant l'ensemble des salariés qui est concerné. Un joyeux cadeau de fin d'année accordé aux salariés qui vont certainement apprécier ! Sous couvert de compromis, Sarkozy impose un texte qui trompe l'opinion publique hostile à l'extension du travail du dimanche! Le MEDEF de la grande distribution alimentaire, peut se frotter les mains, lui qui soit disant ne voulait pas de l'ouverture des dimanches dans les " 5 zones d'attractivité commerciale exceptionnelle" obtient déjà 3 dimanches de plus : 8 au lieu de 5 aujourd'hui dans toute la France
Si vous voulez participer à leur pétition vous pouvez signer celle-ci sur le site de la CGT Commerce et Services et ou celle des Amis du Dimanche qui ont également créé une page sur Facebook
N'hésitez pas à publier ou faire circuler ce texte
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Collectif des Amis du Dimanche
Libellés : emploi, politique, social, société