Cinéma découverte / Avant-première : El orfanato

Par Alban Ravassard

Vous savez que j’affectionne particulièrement le fait de vous faire découvrir des films de tous pays et de tous genres car s’y intéresser nous fait parfois découvrir de vraies perles. C’est le cas du film que je vous présente aujourd’hui : « El orfanato » de Juan Antonio Bayona. Présentation.

 

Synopsis : Laura a passé les plus belles années de son enfance dans un orphelinat au bord de la mer, choyée par l'encadrement et entourée d'autres orphelins qu'elle aimait comme ses frères et soeurs. 30 ans plus tard, elle retourne sur les lieux avec son mari Carlos et son fils de sept ans Simon, avec l'intention de restaurer l'orphelinat abandonné et d'en faire un foyer pour enfants handicapés. La nouvelle demeure et le cadre mystérieux qui l'entoure réveillent l'imagination de Simon, qui se met à évoluer dans un écheveau de récits fantasmagoriques et de jeux pas si innocents que ça... Troublée, Laura se laisse petit à petit aspirer dans l'univers étrange de son fils, qui semble résonner de l'écho lointain et dérangeant de ses propres souvenirs d'enfance. Alors que le jour d'ouverture du nouveau foyer approche, la tension monte au sein de la famille. Carlos demeure sceptique, certain que Simon a tout inventé pour attirer l'attention de ses parents. Mais Laura est intimement convaincue qu'un mystère longtemps refoulé est tapi dans la vieille maison, attendant son heure pour se révéler en pleine lumière et infliger d'épouvantables souffrances à sa famille.

 Bande-annonce



« El orfanato » est le premier long-métrage de Juan Antonio Bayona. Pourtant lors de son visionnage on a peine à le croire tant le jeune réalisateur y fait preuve d’une maîtrise incroyable, et ce, de bout en bout. J’ai découvert ce long-métrage à la Cinémathèque Française où il était projeté en avant-première dans le cadre de la reprise de certains films présentés à « La semaine de la critique » du festival de Cannes 2007. Bien m’en a pris, d’une part car le film est une pure merveille et d’autre part car sa date de sortie en France n’est toujours pas annoncée.

 

Le film est par ailleurs produit par Guillermo Del Toro et cela sans grande surprise tant le film fait écho aux thèmes abordés par le cinéaste Mexicain (l’innocence et sa perte, l’imaginaire enfantin). C’est simple, en son état, le film pourrait avoir été réalisé par Del Toro et évoque très fortement l’univers présenté dans « Le labyrinthe de Pan », du même auteur. Le film évoque également « Shining » par moment par la convocation d’éléments qui y font directement écho : enfant doté de visions, lieu clos et isolé, implication des parents… Les références sont loin d’être mauvaises. 

 

Le film est marqué par un superbe travail sur la lumière doublé d’un montage maîtrisé qui donne un rythme bien dosé et fait parfois part à l’induction entre les plans. Son scénario, alambiqué et d’un grand intérêt, réserve un twist final assez surprenant. Le tout est enrobé d’une douce poésie empreinte de noirceur. Il y a de belles idées de mise en scène, notamment la scène de « 1,2,3 soleil » filmée en plan séquence avec panoramique gauche-droite incessant qui joue avec l’appréhension du hors champ et avec nos nerfs par la même occasion. Le cinéaste arrive même à nous berner et à clôturer la séquence par un évènement auquel on s’attendait encore moins (relâche d’attention créée par la répétition du mouvement de caméra)

 

Autre exemple : un formidable emploi de la règle T (transfert) lors de la scène de la medium incarnée avec brio par Géraldine Chaplin. Cette règle consiste à placer le spectateur du film en position de spectateur de spectateurs par un procédé de mise en abyme (le spectateur regarde des personnages qui sont eux même spectateurs d’évènements se déroulant sur un écran). Ainsi, l’implication du spectateur est renforcée et son immersion dans la diégèse est plus soutenue. Dans ce cas précis, nous amener à tout voir ou presque pose la question essentielle du hors champ et de la peur de voir, de découvrir ce qui peut éventuellement s’y cacher d’où une scène où l’angoisse est assez soutenue.

 

Au final, « El orfanato » est un film du genre fantastique/horreur qui en épouse certains codes pour mieux les détourner et livrer une vision assez originale d’un concept vu et revu. Doublez ça d’un talent de mise en scène certain et d’un superbe travail sur l’image (ce qui contribue à la construction une atmosphère unique) et ajoutez-y la performance sublime de Belen Rueda et vous obtenez un film de très haute tenue. Une belle réussite et un auteur à suivre de très près : voilà le bilan de cet orphelinat.

 


Note
 : 4,5/5

Superbe film au climax surprenant. Atmosphère angoissante et idées de mise en scène originales sont à l’appui pour notre plus grand plaisir de spectateur. Préparez vous à frissonnez dans cet orphelinat qui vous réserve bien des surprises.