Le Hamas vient de rompre la trêve avec Israël. Un affrontement armé a déjà été étudié par Tsahal en termes de pertes (quelques centaines du côté du Hamas, quelques dizaines du côté israélien). Une victoire militaire israélienne dans la Bande de Gaza aboutirait-elle pour autant à une victoire réelle sur le plan géopolitique et diplomatique ? Rien n’est moins sûr si le Hamas s’inspire de la stratégie que le Hezbollah a mise en œuvre contre Israël durant l’été 2006. Si les combats sur le terrain ont été gagné par Tsahal, la guerre de l’information a été perdue par l’Etat hébreu. Un résultat qui mérite de relire cette guerre avec d’autres yeux que les militaires qui ne comptent qu’en opérations aériennes, en frappes ciblées et supériorité technologique.
« Une organisation semi-militaire de quelques milliers d’hommes a résisté, pendant plusieurs semaines, à l’armée la plus puissante de tout le Moyen-Orient qui jouissait d’une supériorité aérienne totale, de sa taille et d’avantages technologiques considérables ».
Rapport de la commission Winograd sur la guerre des 33 jours de Juillet 2006.
Liban 14 Juillet 2006. L’aéroport international Rafic Hariri est bombardé par des avions de combat israéliens. Les bulldozers et les chars israéliens franchirent la frontière israélo-libanaise dans le but « affiché » de récupérer les deux soldats israéliens enlevés par le Hezbollah quelques jours auparavant, et d’anéantir le « Parti de Dieu ».
La guerre de Juillet 2006, dont le nom de code donné par les Israéliens est Change of Direction, a contribué à une redistribution complète des cartes dans la région du Moyen-Orient. On l’appellera dans cet article la Guerre des Surprises, puisqu’un simple contingent de commandos, inférieur en effectifs, sans chars, sans hélicoptères, sans croiseurs, ni avions de combat, parvint à infliger rapidement à son puissant ennemi un énorme revers militaire et politique.
Face à une stratégie israélienne inefficace mais habituelle de bombardements massifs de l’infrastructure du Liban (destructions massives de routes, de ponts et de centrales électriques), ou de ce que le Général Doran Almog appelle, la stratégie de dissuasion cumulative (1), le Hezbollah avait une tactique « en essaim », celle de la marine iranienne, qui se résume par l’utilisation d’armes simples pour infliger des dégâts majeurs. Le Général Doron Almog expliqua dans la revue de l’US Army War College, la stratégie de dissuasion cumulative. Il décrivait cette stratégie comme une succession de réactions spécifiques à des actes hostiles ou à des menaces et qui assureraient la victoire à court, moyen et long terme. Les hommes responsables de la stratégie militaire espéraient que l’indignation publique, suscitée par ces destructions, se retourneraient contre le Hezbollah, considéré responsable de l’attaque israélienne.
Le bombardement aérien israélien à Qana le 30 juillet 2006, a représenté un tournant dans l’évolution du conflit. Lors de cette attaque, des familles (femmes et enfants) s’étaient réfugiées dans un immeuble, qui ne tarda pas à se faire bombarder par l’aviation israélienne. 92 furent tuées et 60 autres blessées. Les médias libanais décrivirent cet incident comme un massacre. Le monde entier s’est indigné contre cette boucherie. A la suite de cet évènement les Américains auraient convaincu le gouvernement d’Olmert de déclarer une trêve temporaire de 48 heures. Des négociations se sont suivies au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies et avaient abouties à l’adoption de la Résolution 1701 qui mit fin officiellement aux hostilités.
Totale maîtrise et diffusion de l’information.
Durant la guerre, le Hezbollah a utilisé différentes tactiques innovantes :
Se rendre invisible. Le Hezbollah connaît l’existence des satellites américains. Le mot d’ordre était celui d’échapper à la surveillance et aux bombardements aériens. Pour cela, ils ont enterré leurs roquettes et leurs missiles sous terre pour ne les exhumer que quelques minutes avant un affrontement. Les Israéliens furent constamment pris au dépourvu par des tirs provenant de zones qu’ils pensaient être sécurisées.
Se rendre indétectable et inaudible. Le Hezbollah utilisa des codes informatiques ainsi que des sites électroniques sophistiqués. Il déjoua les systèmes d’interception les plus élaborés d’Israël en se servant de la fibre optique pour ses communications téléphoniques, que ne peuvent intercepter ni Israël ni les Etats-Unis.
Cultiver le secret. Et ceci dans le but de rendre quasiment impossible toute infiltration. Imad Moughanié, assassiné en Syrie pendant l’été 2008 n’était même pas soupçonné par les membres de sa famille d’être un commandant de la branche militaire du Hezbollah. Ce qui parait plus impressionnant, c’est qu’à ce jour, les Etats-Unis ne savent toujours pas les noms des commandants du Hezbollah.
Se fondre dans la masse. Le Hezbollah a appris à disperser ses forces de combat parmi la population civile, ce qui rend toute utilisation d’armes inutiles à moins de causer des massacres. Lorsqu’Israël bombarda la banlieue sud de Beyrouth tuant des centaines de civils, le Hezbollah s’est attiré un vaste assentiment populaire dans tout le Moyen-Orient.
Déchiffrer les codes. Le Hezbollah a réussi à déchiffrer les communications codées des Israéliens. C’est la première fois qu’un ennemi d’Israël y parvient, depuis la création de cet Etat en 1948.
Maîtriser l’électronique. L’utilisation par le Hezbollah des systèmes de brouillage radio lui a permit de sécuriser ses propres communications.
Conséquences : la crédibilité comme force de dissuasion.
Le Hezbollah est le bras armé de l’Iran. La réussite du Hezbollah à contraindre l’armée israélienne à se retirer du Liban, sans avoir rempli aucun de ses objectifs déclarés, est une réussite par ricochet de l’Iran.
Le Hezbollah a ainsi montré qu’Israël était incapable de protéger ses villes. Les pays Arabes dont les armées étaient insignifiantes comparé à la puissance de l’armée israélienne, se demandent, à juste titre d’ailleurs, quel sort les attend tout en sachant que l’Iran et le Hezbollah ne cesse de s’améliorer jour après jour. Et l’on se demande aussi si l’Iran a vraiment encore besoin de l’arme nucléaire vu sa position de force de dissuasive dans la région.
Pour une analyse détaillée sur l’aspect informationnel de la guerre du Liban 2006 ainsi que les enseignements à tirer, lire l’article de Christian Harbulot.
(1) Le Général Doron Almog expliqua dans la revue de l’US Army War College, la stratégie de dissuasion cumulative. Il décrivait cette stratégie comme une succession de réactions spécifiques à des actes hostiles ou à des menaces et qui assureraient la victoire à court, moyen et long terme. Les hommes responsables de la stratégie militaire espéraient que l’indignation publique, suscitée par ces destructions, se retourneraient contre le Hezbollah, considéré responsable de l’attaque israélienne.