Triste époque, que celle où les funestes nécessités en ce monde de dissimulation prennent le pas sur notre vie et nous obligent à jeter un voile sur notre droiture !
Nathaniel Hawthorne, in "Le faune de marbre", 1860
Il m'aura fallu attendre le 2 août pour contrevenir aux rêgles établies pour la réussite d'un entretien. Il faut dire que cette journée aura été particulière : nuit courte, réveil à 4h00 pour accompagner mes filles à l'aéroport pour prendre l'avion qui devra les mener à Montréal, pour un périple allant ensuite vers Toronto, Niagara, Washington, Atlantic City et New York, entretien de 9h00 à 10h30, pour finalement aboutir à cette séance de plus de 3 heures et demie ! Circonstances atténuantes, donc. Mais ne nous cherchons pas d'excuses ...
Le détail, donc : création d'un dossier de candidature (0h30), entretien (1h30), tests : D 2000, R85 et GZ (1h40). Tout semblait pourtant bien débuter : la société m'intéressait vraiment, ma présentation se déroulait correctement, l'ambiance était courtoise et détendue, le poste que l'on me proposait présentait un intérêt certain. Et c'est vers la fin de l'entretien que tout a basculé, lorsque l'on m'a fait aborder des questions plus personnelles : quels sont vos centres d'intérêt ? quel est votre principale qualité ? quel est votre principal défaut ? Et là, tout d'un coup, un bloquage ! Il faut dire que lors de tous les entretiens précédents, ces questions n'avaient pas été abordées ... J'avais oublié les recommandations !
Mauvais point, sans aucun doute !
Mes centres d'intérêt : la littérature, le cinéma, la lecture de quotidiens pour me tenir informé de l'actualité. "Vous ne faites pas de sport ?" Et là, j'ai perçu une faiblesse : le sport, c'est la convivialité, la fraternité, l'ouverture aux autres. Mais non, je ne fais pas de sport ...
Ma principale qualité : l'honnêteté. Bateau ... Et me voilà parti à donner un exemple d'honnêteté, lorsque j'ai pris position pour des collègues en situation précaire lors d'une phase délicate que traversait ma société. A mon sens, c'est positif, mais aux yeux d'un futur employeur ...
Mon principal défaut : tout d'abord, je n'ai rien répondu (suis-je le meilleur juge pour parler de mes défauts ?). Puis je me suis lancé, pour évoquer un défaut sans doute standard mais symptomatique ... Je suis quelqu'un qui peut avoir des discussions longues et passionnées sur des sujets qui m'intéressent mais qui a du mal à parler facilement de la pluie et du beau temps. En évoquant ce point, je n'ai pas pris en compte l'interprétation qui peut en être faite dans le cadre de ma future vie de groupe ...
Et l'honnéteté que je tendrai à considérer comme une qualité s'est retournée en ma défaveur : "trop d'honnêteté tue la candidature",comme dirait l'autre ...
Puis vint le moment des tests : j'avais prévu "connaissances générales", ce furent des tests de logiques. Qu'à cela ne tienne, lançons-nous ! Mais après cette fin d'entretien et une réussite plus que relative au test des dominos, l'envie de tout abandonner ... dont je fais part au recruteur !!!
Je poursuivis néanmoins, en passant le R85 puis le GZ ...
Voilà. Si quelqu'un lit ce billet, il commencera par sourire de ma naïveté; j'espère qu'ensuite il méditera ces quelques mots pour retenir les erreurs qu'il ne faut absolument pas commettre !
(Je persiste néanmoins à penser que ces questions particulières ne sont pas vraiment du ressort du candidat, même si cela peut éventuellement montrer que celui-ci arrive à se juger et à prendre du recul par rapport à lui-même. D'ailleurs, souhaite-t-on véritablement que le candidat réponde précisément à ces questions ou le but est-il de voir la réaction du candidat face à une situation déstabilisante ?
Mes qualités ? Mes défauts ? Ce sont plutôt mes collègues depuis vingt ans qui peuvent en parler. Pour ma part, je continuerai à me baser sur la confiance que m'ont faite mes supérieurs hiérarchiques successifs, sur la très bonne entente que j'ai pu avoir avec la maîtrise d'ouvrage et sur les témoignages que m'ont apporté mes collègues lors de mon départ.)
Triste époque, que celle où les funestes nécessités en ce monde de dissimulation prennent le pas sur notre vie et nous obligent à jeter un voile sur notre droiture !
J'aurai dû lire ce passage du "Faune de marbre" avant de me rendre à cet entretien. En 1860 déjà, Nathaniel Hawthorne m'avait indiqué la marche à suivre ...