Longtemps, j’ai trouvé que Marion Aubert n’avait pas le don des titres sexy.
J’ai snobé “Histrions (détail)”, à la Colline il y a deux ans en proclamant stupidement que je préférais voir des pièces en entier que des détails, et surtout une pièce sur des comédiens, c’est-à-dire une pièce mettant en oeuvre du théâtre dans le théâtre. Parce que c’est un ressort trop facile, parce que c’est trop vu.
Je sais, parfois, je suis trop con.
Je bénis donc l’abonnement “Full Monthy” du Théâtre des Treize Vents à Montpellier qui m’a obligée à prendre “Les aventures de Nathalie Nicole Nicole” pour remplir mon quota de treize pièces.
Et, là, alors que ce titre était un peu trop étrange pour être folichon… la pièce était du pur délire.
En gros, c’est l’histoire de Nathalie Nicole Nicole et de ses deux petits camarades : Michel Chef Chef, son amoureux, et Cléo, la plus moche de la classe (jouée par l’auteure), qui les aime tous les deux.
Après, ils vieillissent.
Dire que Marion Aubert a recours à des personnages enfantins pour profiter de la désinhibition de l’enfance et employer une langue délirante qui dirait la réalité du monde par son excès même, c’est-à-dire, un peu comme d’hab, en fait, ne serait pas exact. Au contraire, c’est plutôt l’inverse qui se produit : Marion Aubert parle une langue délirante et la mettre dans la bouche d’horribles enfants permet de la justifier (les enfants sont désinhibés), de la mettre à distance (si ce sont des enfants, c’est que ce n’est pas nous), mais également de la faire résonner dans l’esprit du spectateur (qui a été un enfant et a connu le système de l’éducation nationale décrit par l’auteure). Et donc de frapper plus juste.
Et comme si le texte ne suffisait pas, les comédiens aussi sont tous complètement cinglés.
Donc, maintenant, j’irai ventre à terre voir tout ce que crée Marion Aubert. Et je remarque que le titre de sa prochaine pièce est déjà plus accessible : “Orgueil, poursuite et décapitation (comédie hystérique et familiale)” elle en donne un résumé sur le site de sa compagnie, “Tire pas la nappe”, qui donne une idée plus générale de son écriture. Cette fille est folle :
L’AUTEUR. Voilà. Moi, je suis l’auteur de cette pièce. C’est une pièce en forme de labyrinthe. J’ai écrit cette pièce au fil d’un été difficile avec des perceuses en arrière fond. J’ai écrit cette pièce dans un contexte particulièrement difficile. A une époque particulièrement tragique de mon existence. Autour de moi, tout n’était que lucre, vanité, orgueil, et trahison. Et encore, je ne parle pas de la politique nationale. Cet été-là, trois bébés sont morts à l’arrière de leur voiture. Oubliés par leurs parents. Les russes en ont profité pour envahir la Géorgie. Et pour le moment, la France est trente-huitième aux jeux olympiques de Pékin. C’est dans ce contexte houleux que j’ai décidé d’inventer une nouvelle forme de pièce. Une pièce absolument nouvelle. Jamais vue nulle part auparavant. J’ai réussi à m’isoler grâce à une bonne dose d’opiniâtreté, et un sens du devoir hérité de mon père. Aux deux cents euros versés directement à la nounou par la CAF. Au soutien de mes ennemis. De mes amants. Grâce leur soit rendue ici. Comme cette pièce est un peu nouvelle et pleine de fraîcheur, j’ai pensé qu’il serait bon de vous accompagner dans la lecture et, le cas échéant, lors de la représentation. La pièce est parfois timide en événements. C’est voulu. C’est une pièce d’été. Languide. J’habite dans le sud de la France. J’écris très souvent nue. Pour la commodité de la représentation, je vais me mettre là. Lorsqu’il y a une erreur d’imaginaire, une saute dans le temps, un accident grave, une rupture brutale, vous pouvez me jeter des regards. J’essaierai de suivre au plus près l’actualité de ma propre pièce. C’est une pièce sinueuse, pleine de méandres et de bêtes imaginaires. J’avais, il y a quelques jours, eu l’envie de l’intituler “comédie animalière“ mais je n’aime pas tellement les bêtes. Elles ne me dérangent pas, mais je ne m’attache pas. Je ne m’attache pas spécialement aux bêtes. Je n’aime pas m’occuper des chiens sur la tournée. Ni des fauves. Ni des chameaux si on en a. Je n’aime pas les manifestations de joie des bêtes. Parlons plutôt des chonchons.
http://www.tirepaslanappe.com/