Vendredi 12 décembre 2008, Paris : naviguer en haute mer, ou découvrir la côte ?

Publié le 22 décembre 2008 par Memoiredeurope @echternach

Je crois que je n’étais jamais allé visiter le Salon nautique de Paris. Il faut dire que je ne navigue pas et que je nage comme un fer à repasser. Il n’empêche qu’il en est de la mer et de l’océan comme de l’architecture. Ce n’est pas parce que je ne suis pas architecte diplômé que je n’essaie pas de comprendre les structures, l’évolution et le sens des patrimoines bâtis qui constituent une trame essentielle des itinéraires culturels. Et puisque les itinéraires sont devenus maritimes, voire sous-marins, je me suis mis à suivre les progrès de la Route du Jasmin, à essayer de mieux comprendre ce qui guidait les Phéniciens ou les Vikings, ou du moins, ce qui peut amener des amateurs de voiles ou de croisières à en retrouver les traces aujourd’hui.

De fait il y avait une double circonstance très matérielle pour que je vienne à ce salon : la nécessité de faire le point avec les promoteurs de la Route des vignobles sur l’avancée de leur projet d’itinéraire et celle de participer, en témoin, à une signature importante entre l’association qui pilote cette initiative liée aux paysages viticoles et un projet européen qui prend chaque jour plus d’importance, sous le nom d’Odyssea. Il s’agit d’un ensemble de projets qui valorisent les ports de la Méditerranée, en relation avec l’arrière pays qu’ils irriguent et qui les alimente. Une idée qui a trouvé avec Banyuls, par exemple en France, une application très passionnante en ce qui concerne la lecture du paysage viticole vu de la mer.

Le Salon nautique bruit d’une population nombreuse qui restera là jusque vers vingt-deux heures et qui semble apprécier les huîtres et bien d’autres spécialités maritimes qui arrivent fraîches à Paris où un vrai public d’amateurs les attend.

Sur le stand de la Fédération des villes qui possèdent des ports de plaisance – j’imagine qu’elles sont de plus en plus nombreuses chaque année et que la Fédération en acquiert une notoriété d’autant plus forte, je goûterais successivement aux vins et aux spécialités de l’Hérault, puis de la Corse.

Je note surtout avec intérêt que si le Premier Ministre français est passé là ce matin, c’est le Président de l’Assemblée de Corse, Camille de Rocca Serra qui présidera les discours portuaires. Hérault, Corse et Sardaigne construisent un partenariat sur lequel peuvent se bâtir des itinéraires. Mais les enjeux d’aujourd’hui, bien que noyés dans les productions viticoles et les charcuteries des uns et des autres, sont visiblement d’un impact économique bien plus important que le tourisme de patrimoine et le tourisme paysager. Une simple question de synergie future, sans doute ? En tout cas une nouvelle manière d’interpréter et de visiter le paysage en mariant outils anciens, données de mémoire et nouvelles technologies.

Je mesure de nouveau ce soir que je ne reviens dans certains quartiers de Paris qu’à des distances temporelles bien éloignées. Je m’étonne ainsi de trouver un tram fonctionnel en parcourant les boulevards des maréchaux jusqu’à la Porte de Versailles. Je viendrai l’emprunter, juste pour le plaisir, fin décembre. Je dois bien réaliser que je n’ai perçu ce résultat de la politique du Maire de Paris qu’au travers des reportages que j’ai entendus lors de l’inauguration de ce nouvesu - ancien - mode de transport, ou bien dans la difficulté que j’ai rencontrée, il y a peu d’années, en tentant de traverser les boulevards extérieurs en plein après-midi, ou encore en participant à une table ronde de la Fédération Française des Architectes Paysagistes à Issy, en compagnie d’Antoine Grumbach, responsable de l’aménagement urbain du tramway, en collaboration avec Michel Desvigne, paysagiste.

Autrement dit, le temps va trop vite pour que j’arrive à bien comprendre comment « Paris la belle » continue de chercher à séduire.

Ce quartier là, qui dépend entièrement des pulsions vitales du Parc des Expositions, ressemble pour moi au quartier des Halles, quand les pavillons de Baltard étaient encore fonctionnels. J’y arrivai, comme aux Halles, mais pour les Halles il fallait que la nuit soit tombée, dans l’espoir d’un trésor absolu. J’y arrivai par le métro et en débouchant à l’air libre, une récompense merveilleuse m’attendait après une heure de trajet : la Foire de Paris, du temps où je venais y chercher les cadeaux Mokarex – des soldats de plastique à peindre dont je possédais des armées entières – ou ceux de la Vache qui Rit. Des bonimenteurs par centaines y présentaient des inventions inutiles qui faisaient la joie de mon grand père.

C’est bien plus tard que j’y suis venu pour les salons du prêt à porter masculin ou féminin et de la lingerie ; dans une autre vie en quelque sorte. Dans ce temps là, le textile tenait pour moi une place principale et la rencontre avec les stylistes se déroulait cérémonieusement lors les séances de tendances. Elles représentaient de véritables rites divinatoires très étranges, où on cherchait à évaluer et à prévoir l’évolution des goûts du public. J’étais présent à la naissance des socio-styles et des passages en vedette américaine du gourou Bernard Cathelat. Sa chemise ouverte sur un torse velu à souhaits montrait un collier dont les gris-gris devaient constituer un signe fortement sociologique pour toutes ces dames qui cherchaient à sonder les âmes.

Je n’avais plus pensé à ce curieux homme depuis des années, bien qu’on se soit croisés régulièrement pendant une dizaine d’années. Je constate qu’il a toujours pignon sur rue au CCA, une firme de conseils qui doit certainement permettre aux décisionnaires de la mode, comme de la politique, de continuer à se guider dans un brouillard qui s’est singulièrement épaissi. 

Je lis avec un peu d’horreur une de ses dernières affirmations : « Après s’être égocentré sur soi, avoir « cocooné », et même « bunkerisé » défensivement, on affronte l’obligation de s’adapter au XXIe siècle, par un ressourcement en soi-même. Proche de l’égocentrage par certains aspects – notamment la déconnexion sociale -, cette autoconnexion, elle, est active : elle marque l’envie de se reconstruire et de prendre sa vie en main…Contrairement à l’individu égocentré, l’autoconnecté n’est pas un survivant déprimé. Il pense que le bonheur est à sa portée. Mais il ne compte plus sur la société, sur un projet collectif ou un leader politique pour l’atteindre. Le bonheur réside dans « les petites choses de la vie », on le cherche en soi ou auprès des siens. Etre heureux aujourd’hui, c’est être en harmonie avec soi-même, être équilibré, « cool », convivial : une conception assez zen. »

Je vois que je suis en effet bien loin aujourd’hui du milieu de la mode et du marketing de l’autoconnexion. 

Allez, je crois que je vais continuer à être un externoconnecté des itinéraires culturels…

Photographies : les outils de lecture du paysage d’Odyssea. Après la signature: à l’extrême droite (de la photographie) Camille de Rocca Serra, Président de l’Assemblée de Corse et à l’extrême gauche, Paolo Benvenutti, Président de l’Association Iter-Vitis et Directeur de l’Association italienne Citta del Vino