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Séances de rattrapage en DVD : "Rec.", "Darjeeling Limited" et "No Country For Old Men"

Publié le 21 décembre 2008 par Jb
rec..jpg Je les avais ratés au cinéma, j'ai donc eu droit à ma séance de rattrapage en DVD et je dois dire que dans l’ensemble, j’étais plutôt content de mes choix !
Commençons par Rec., un film d’horreur espagnol sorti en avril. Le concept est très simple : une jeune reporter, Angela, est accompagnée par son caméraman, Paco. Ensemble ils réalisent un reportage sur une caserne de pompiers de Barcelone, reportage qui sera diffusé ultérieurement sur une télé locale. Evidemment au départ, le reportage attendu sent le truc un peu pépère, d’ailleurs c’est l’un des pompiers lui-même qui met directement les points sur les "i" avec les journalistes : il ne faut pas croire que les grosses interventions, pour des faits graves, sont les plus fréquentes. Une grosse proportion concerne le sauvetage d’animaux domestiques et autres tracas palpitants.
Et pourtant … Alors que la nuit avait mal commencé, c’est-à-dire qu’il ne se passait rien et qu’Angela en était réduite à fouiner un peu partout dans la caserne pour faire semblant qu’il y avait de l’action, soudain une intervention dans un immeuble, au départ apparemment anecdotique et routinière, va virer au cauchemar absolu.
Rec. surfe sur la même logique que Cloverfield, brillant film que j’avais déjà théorisé. En effet, toute l’intrigue est vue à travers le prisme de la caméra de Paco. Nous sommes donc en sensation de live, caméra à l’épaule, jamais de hors champ ni de "dé-zoom", jamais de re-contextualisation, on dirait un documentaire brut qui se contente de filmer et n’explique rien. La différence principale étant que Rec. se veut, au départ, encore plus "ordinaire" que Cloverfield et qu’il va au bout de la logique induite par ce dernier : quelle meilleure mise en abyme, en effet, que celle du reporter télé pour faire office de caméra ? La logique de la télé étant de filmer le mélange de l’ordinaire (la vie des gens) et de l’exceptionnel (le fait divers qui, par définition, n’arrive pas tous les quatre matins), de rechercher toujours plus le trash et le voyeurisme, que se passe-t-il lorsque les journalistes sont pris à leur propre piège et que ce à quoi ils assistent dépassent leurs pires cauchemars ?
On sort de Rec. un peu lessivé, globalement convaincu par ce film coup de poing assez intelligent et ironique sous ses airs de violence brute et premier degré. Décidément, s’il était encore besoin de le répéter, le cinéma en 2008 aura été complètement traversé par ce télescopage fiction/documentaire et certaines réussites éclatantes auront permis de proposer, chose rare au cinéma l’air de rien, un cocktail entre film d’action et matrice théorique puissante.
darjeeling_limited.jpg En mars sortait À bord Darjeeling Limited. Ce film sans prétention est, finalement, vraiment intéressant. Il campe trois frères un peu loser (chacun à leur manière) qui ne s’étaient pas revus depuis l’enterrement de leur père. Leur concept est le suivant : se faire une sorte de "trip" à l’indienne en voyageant à bord du train Darjeeling Limited.
Sur fond de quête spirituelle (Wes Anderson fait référence, avec une certaine ironie, à ces gens un peu baba qui partaient autrefois en pèlerinage à Katmandou), les trois frères foirent totalement leur expédition et finissent même par se faire virer du train dans lequel ils avaient embarqué. Débute alors un autre voyage, encore plus décalé et loufoque, totalement improbable et limite improvisé, durant lequel Wes Anderson fait preuve d’une liberté narrative qui, personnellement, n’est pas sans m’évoquer le cinéma du japonais Takeshi Kitano (je pense aux jeux de plage dans Sonatine et surtout à L’été de Kikujiro qui, pareillement, commence comme une quête, laquelle tourne court mais comme il faut bien que le film continue, on trouve mille et une choses pour le faire durer).
Plus profond qu’il n’y paraît, s’affranchissant de toute contrainte (la preuve : Bill Murray pourrait être le héros de ce film … mais finalement non ; Natalie Portman pourrait bien être l’élément central dans la vie de Jack, l’un des trois frères, mais on ne la verra jamais, sauf dans le court métrage Hôtel Chevalier qui est censé se dérouler chronologiquement avant le film À bord Darjeeling Limited), Wes Anderson prend à l’évidence un certain plaisir à tourner et c’est communicatif !
no_country_for_old_men.jpg Enfin, en janvier dernier sortait No Country For Old Men des frères Coen. Un peu lassé par certains films récents des deux lascars, j’avoue que j’avais préféré zapper l’étape cinéma. Quelle erreur ! En effet, No Country For Old Men est le meilleur film des Coen depuis Fargo, avec lequel il a plus d’un point commun. Seulement voilà : Fargo mettait en scène l’Amérique profonde sur fond de neige, No Country For Old Men met en scène l’Amérique profonde sur fond de désert (à la frontière entre Mexique et Etats-Unis).
Très grand film sombre et violent, s’interrogeant avec brio sur les actes que commet chaque homme et sur les conséquences de ces actes, sur le hasard et la nécessité, sur l’important et l’accessoire, No Country For Old Men est une magistrale adaptation, servie par de remarquables acteurs, du roman de Cormac McCarthy, qui vient récemment de nous livrer le glauquissime et magnifique La Route.
Plusieurs points communs entre les deux univers : méditation sur la violence, les sentiments primaux et primaires, différentes attitudes dans la vie incarnées par des personnages archétypaux mais pas caricaturaux, atmosphère crépusculaire et délétère… Sauf que bien sûr dans No Country For Old Men on reste dans le monde humain et qu’on n’a pas encore franchi l’apocalypse et le néant, mais enfin à le voir mis en scène par les Coen on saisit mieux à quel point La route est presque une suite "logique" de No Country For Old Men.
Enfin bref, il n’est qu’à souhaiter que les frères Coen continuent de dépeindre la noirceur, le désenchantement et la brutalité avec une telle maestria (et que de grands romanciers les y incitent) !

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