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Yes we cat

Publié le 21 décembre 2008 par Alain Hubler

Saint-Laurent avant NoëlCela n’en a pas l’air, mais j’ai des principes et des habitudes auxquelles il m’est difficile de déroger. Parmi ces principes : le changement régulier comme une montre suisse de la litière des chattes.

Il se trouve que la date fatidique était fixée à hier. Un samedi, comme toujours.

Sur le coup des seize heures, je pris donc mon rucksack et me dirigeai vers Minor, là où je m’approvisionne habituellement.

C’était donc le samedi du dernier ouikènde avant les fêtes de Noël …
J’allais vite me rendre compte qu’il faut être une sacrée buse pour aller acheter de la litière pour chats à ce moment-là !

Je pénétrai donc dans le temple - de la consommation – et je compris vite fait que cela n’allait pas être une partie de plaisir. Dès mes premiers pas dans la caverne d’Ali Baba, je me trouvai emporté par un flot d’humains dans une giration qui m’éloigna de l’escalator qui mène au rayon bestioles.

Bon, ça commençait bien. Mais comme je n’étais pas pressé, je me laissai guider par mes semblables, confortablement encadré et propulsé par eux. Tellement encadré et coincé que je me disais qu’il serait presque possible de tenir debout sans effort … Je croisai une ou deux personnes que je connais, les saluai et poursuivis mon long fleuve tranquille.

Parmi tous les humains rencontrés, se trouvaient les vendeuses du rayon cosmétiques qui doivent travailler dans cette foule bruyante, mouvante, ondulante. Les pauvres ! Une journée là-dedans, quelle horreur. De quoi chopper le tournis puis le mal de mer pour le restant de ses jours.

C’est alors que je commençais à maugréer sur les conditions de travail de ces dames que j’entendis un aboiement de douleur quelque part près de mes pieds. Je me pris instantanément une volée d’insultes au fil desquelles je compris que je pourrais faire attention où je mets les pieds. Je venais de marcher sur un Yorkshire. Comme si je pouvais voir où je mets les pieds dans cette espèce de tas de chairs informe et ondoyant !

Et d’abord, faut-y être con – conne en l’occurrence – pour laisser à terre ce pauvre petit animal, qui ne m’a même pas mordu, lui, dans ce qui peut vite se transformer en jeu de massacre !

Le chien ne m’en a pas trop voulu, je me suis retenu d’engueuler plus fort qu’elle la tarte qui lui servait de maîtresse et qui ne semblait même pas foutue d’imaginer que son chien n’est pas un paillasson pour chaland, je lui ai jeté un œil noir et méprisant et je me suis laissé emporter par la maelström.

J’allais enfin atteindre l’escalier roulant qui devait me permettre de me hisser dans les étages lorsque je me suis retrouvé nez à nez avec une poussette. Un modèle à trois grandes roues pour sportif qui coure ou qui patine en poussant sa descendance. L’engin qui, dans cet environnement, me parut aussi imposant qu’un 40 tonnes, remontait le courant comme une femelle saumon qui va pondre.

En l’occurrence la ponte avait déjà eu lieu et la progéniture braillait dans la poussette conduite à grande vitesse par le papa qui manifestement était à la limite de péter un plomb et lançait des propos forts peu amènes à celle qui devait être sa compagne.

La poussette, le braillard, le père et la mère passèrent avec grand bruit et mes camarades de flux et moi baissèrent les yeux, d’un air gêné, pour les laisser poursuivre sans provoquer une escalade de la violence inutile.

Au passage, le papa me lamina le pied et je réussis à réprimer un couinement puis me mis à penser avec compassion à la patte du York.

Sur ces entrefaites, la situation s’améliora et l’espoir revint : je venais d’atteindre l’escalator qui me permettrait d’accéder au rayon où j’allais pouvoir trouver ma litière pour chat.

Au rayon de nos amies les bêtes, la foule était peu nombreuse, l’objet de ma convoitise était en stock et il ne me fallut que quelques instants pour me retrouver dans la petite queue devant la caisse. Le paiement, en liquide, fut promptement effectué et je réprimai l’envie de demander, pour plaisanter, un emballage-cadeau. Quelque chose me disait que l’heure n’était pas à ce genre de blagues.

La litière sur le dos, j’amorçai ma descente en enfer. L’escalier roulant était plein à craquer des clients qui devaient descendre du rayon consacré aux arts ménagers.

Le regard perdu dans la foule qui serpentait au bas de l’escalier mécanique, je me demandais comment allait se passer la sortie de ce bagne.

C’est alors qu’un crétin de la pire espèce, qui venait d’atteindre le palier après avoir été vomi par la machine infernale, se retrouva face à une connaissance et eut la bonne idée de piler net pour lui faire la bise. Il s’était arrêté à moins d’un mètre de la gueule béante qui crachait son flot continu de clients.

Je vous laisse imaginer ce qui aurait pu se passer si l’un des premiers passagers de l’escalator n’avait pas été un énorme mastard qui a foncé dans le tas non sans écrabouiller au passage, mais pour la bonne cause, une grand-mère qui devait déjà se voir les quatre fers en l’air. Le crétin jugea que la situation était désespérée pour lui, se rangea sur le côté et fit mine de rien. La colonne humaine put poursuivre sa marche pas très triomphale.

Pour ma part, je n’ai pas demandé mon reste et ai tout mis en œuvre pour atteindre la sortie au plus vite. Une fois dehors, l’idée de gravir la rue de la Mercerie me poussa vers l’arrêt Riponne – Maurice Béjart et le m2 m’emmena en un éclair … une station plus loin. Qui a dit «fainéant» ?

Arrivé à la maison, je fis le ménage des lieux d’aisance de ces dames qui me remercièrent à leur façon habituelle : une belle grosse crotte dans la litière toute propre.

Il n’y a pas de doute, je suis un héraut des temps modernes.

  

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