Le DJ Canadien Moonstarr de Montréal, également producteur du label Public Transit et supporter de Drum-bass depuis ses débuts, vient de sortir « Instrumentals Forever », un album montrant son habilité à la fois à composer / décomposer / recomposer des « instrumentaux » à partir d'éléments rythmiques, vocaux, mélodiques et des textures disparates (privilège de rares DJs réels architectes sonores, comme Amon Tobin, par exemple, qu'on peut considérer comme des musiciens à part entière) et à les répéter en loops continûment à l'infini (« forever »), ce que ne permet pas le live.
On connaissait déjà sa « Broken Bossa », alliant avec bonheur, guitare bègue, Broken Beat et percussions naturelles Batucada sous un orgue vintage puis une vocaliste Brésilienne rapide à la « Crickets Sing For Ana Maria » dans la version de Brazilica ! (label Talking Loud » plongeant en apnée sous les strates du synthé liquide.
On découvrira aussi ces nouveaux « Interludes », invitations Hip-Hop à la fête qui rappelleront ses sets à ceux qui y ont assisté, comme à « L'Hippocampe » avec Voice, ou issus de son répondeur, procédé déjà utilisé dans ses précédents enregistrements, et qui livre ses joyaux d'humour de disque en disque. Voice, on croit justement la reconnaître avant le piano Jazz tournoyant en roue libre de « Clappy », rythmé par les mains éponymes. A la façon qu'a Moonstarr de laisser ainsi « couler » le solo sur la fin, puis l'assourdit en le modifiant, le joue puis EN joue, on voit qu'il n'est pas qu'un saucissonneur d'échantillons, mais respecte la musique de ceux dont il emprunte quelques secondes.
Sur « Break It Up », toujours très latin, les stries d'un reco-reco s'intercalent entre beats et cymbale broken avant le piano Bossa latin léger et une chanteuse Brésilienne rapide. Là encore il laisse s'exprimer le sample de piano par un court solo puis joue avec la chanteuse par des ralentis/ accélérations scratchées amusantes. Il joue AVEC les samples, les voix, les éléments comme un Jazzman improvise, se montre un véritable musicien.
« Tiger Funk » est plus Broken Beat avec des diodes criées, griffées par la pattes du tigre, et loin derrière, comme le murmure rythmique d'une voix dans la guitare avant le chorus de LAL, chanteuse Hip Hop à la Voice mais à voix plus mature évoluant sur un fond de vocaux pygmées synthétisés et des rythmes Broken / Batucada. Là encore, entre les synthés liquides qu'il établit, Moonstarr intègre un élément live, un vrai solo de basse groovy et efficace. Il agit sur les structures, les textures, en véritable architecte musical.
Avec « Get Out Side », on prend la face du dehors, l'écho des boîtes dans un beau morceau techno rythmé par une voix « In It » aux nappes ambiantes traçant une mégalopole inquiétante. Le petit synthé raconte son histoire mélodique passionnante, vivant entre batucada, cymbale broken et machine à beat. On le suit dans le confort enveloppant, le cocon duveteux d'un salon lounge, un coin de rue où soudain nous illumine un rayon d'étoiles célestes en écho. Du dehors, les beats redeviennent des percus tribales, émoussées par les échos des murs sur la cymbale et les clochettes Brazil frétillantes entre les turbines des beats.
« String Theory » est de même facture, rythmé par une autre voix, une basse groovy disco, puis des synthés montant sur une batucada se mâtinant de plus en plus d'électro et de toms liquides. Encore un titre admirablement construit, composé dans son évolution dramatique jusqu'au synthé dégoulinant 70ies à la Marvin Gaye /80ies final qui s'éloigne sur la basse groove et la cymbale.
« Wo's Biting Who » commence comme un blague de Scoobidoo à la « qui mord qui ? », puis vous emportes dans des superbes nappes sonores bouillonnantes et un saxophone en boucle sur des cordes entêtantes répétées à l'infini sur un beat broken.
Dans la scène de ménage de « Fucked Up Love », Fineprint joue le rappeur maccho et Sarah Linares les sirènes fragiles dans l'aigu avec de merveilleuses vocalises sur un bon Beat Brazil.
Avec « Crazy Jays », le piano sautille encore gaiement comme une boule de flipper sur un tempo Brazil entre d'amusantes vocalises féminines modifiées.
Puis « Climax », plus abstrait et inquiétant, s'il n'y avait le « One Two Three » de la danse, explore le destin d'une sonorité aïgue stellaire, vibrée rebondissant sur une batterie broken.
Ici « Planets Collide », le rappeur Lotus Jai Nitai joue le choc des titans humains de la compétition violente entrant en collision planétaire de deux lunes en Big Bang dont notre monde, et plus encore les Etats-Unis, se font le théâtre sur des beats apocalyptiques, mais se termine par la surprise d'un bon solo de guitare Bluesy 70ies Jazz-Rock final bien mené.
Enfin, dans « Love Call », nous suivons Moonstarr dans ses déplacements de DJ international en France, et le piano Jazz rencontre dans le Métro de Marseille l'opératrice de la ligne Orange annonçant la reprise du service du Tramway entre deux stations. Le piano se fait bossa, évolue par la seule fréquentation des beats. La musique de Moonstarr évolue par lignes qui passent au-dessus l'une de l'autre, se masquant/ révélant tour à tour mutuellement.