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La tête de l’emploi ( texte de gballand )

Publié le 21 décembre 2008 par Mbbs

Evidemment quand il m'a posé sa question tout à trac, juste avant le dessert, je n’ai pas su quoi lui répondre ! D'un côté je commençais à m'habituer à ma tête : 45 ans à me voir dans la glace et à me supporter, ce n’est pas rien ! Je n’avais pas osé lui dire à ce moment-là, mais je commençais même à l’apprécier, ma tête, aussi bizarre que cela puisse paraître. J'aimais cette transparence qui me permettait de tout voir sans être vue. Mais mon silence ne le satisfaisait pas, ce tortionnaire, alors il a répété autrement sa question.


- Tu ne vas  quand même pas me faire le coup de me dire que tu t'aimes comme tu es !

Je l'aurais giflé, le salaud ! Comment avait-il pu me dire ça à moi, moi qui l'avais soutenu dans ses moments de dépression les plus noirs, quand il en était au point de vouloir se suicider ; et maintenant qu'il s'en était sorti, il cherchait à m'enfoncer ! J'ai dû me retenir pour ne pas l'écraser misérablement comme le cafard qu'il était. Je me suis contentée de lui répondre, aussi légère que j'ai pu.

- Que veux-tu, je suis peut-être masochiste !

Ça l'a fait rire ! Il a osé rire alors que moi je me tordais de l'intérieur et que j'avais envie de lui éclater sa petite tronche de mec propre sur lui ! Mais le crétin n'a pas compris, il n'a pas lâché son os.

- Bon, allez, réponds-moi franchement, quelle tête tu voudrais avoir ?

Et là, à cause de cet enfoiré, j'ai commencé à douter de tout. Est-ce que j'étais si sûre que ça, après tout, de vouloir garder ma tête ? J'ai senti qu'une petite boule commençait à me pousser dans l'estomac et  le doute se diffusait en moi comme un poison. Depuis ce jour là, ma presque-certitude s'est changée en quasi-incertitude. Je finis par ne plus savoir quoi penser de ma tête ! J’ai voulu poser la question à mon mari mais je me suis ravisée,  il se serait certainement moqué de moi, comme d’habitude, alors j'ai accusé le coup et j’ai souffert en silence.

Je dois vous avouer que c’est à cause de cette histoire que j'ai décidé de changer de profession ! Avant, je travaillais à Paris Normandie, dans les bureaux, mais depuis un mois je suis les gens dans la rue. Ne pensez pas que je les suis  par plaisir, oh  non, je les suis parce que je travaille  dans une agence de filatures. Tous les jours, j’emboîte le pas de gens qu’on me demande de suivre. Je me fonds dans le décor, je traverse les murs, je suis transparente, j’ai enfin la tête de l’emploi …


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