Cliché Gjon Mili (Life) Le soir même, au lieu de monter se coucher, la grand-mère pas moderne dit à sa petite fille moderne de prendre son manteau et son cache-nez pour sortir.
Il faisait nuit noire mais on entendait du bruit à l’extérieur, des conversations animées, des rires et aussi des bruits bizarres, comme des piétinements de chevaux, et puis des cloches à la volée qui ébranlaient la terre et faisait vibrer l’air de joie.
« Tu vas voir l’église, c’est autre chose ! » dit la grand-mère pas moderne en fermant la porte.
Dehors, il y avait des guirlandes partout dans les arbres à la place des feuilles et beaucoup de monde emmitouflé qui s’embrassait en se souhaitant « joyeux Noël ! » avec de la buée autour de la bouche.
La grand-mère pas moderne invitait ses voisines.
Le petit garçon charmant apparut alors tout essoufflé et la tira par la main : « Viens, on va se mettre devant… ».
A l’intérieur, il y avait une musique formidable qui sortait des gros tuyaux au dessus de la porte. La petite fille moderne n’avait jamais entendu ça ; elle faillit rester sur le seuil, pétrifiée.
Mais au bout de la grande allée, un spectacle fascinant attira son regard et l’envie de voir fut la plus forte.
Il y avait là une femme, une vraie, dans une robe blanche avec un voile.
Elle tenait dans ses bras un bébé, un vrai qui dormait.
Derrière elle, il y avait un âne, un vrai, bien gris avec ses longues oreilles, quelques moutons dans un enclos qui bêlaient parfois et puis une grosse vache marron qui agitait la tête comme pour se débarrasser de ses cornes et de temps en temps prenait du foin déposé devant elle.
Mais surtout, sur le côté, il y avait un chameau, un vrai, tenu en laisse par un homme drapé dans un manteau violet avec un turban vert.
C’était comme un rêve. Car elle les avait vu tout petits, tous, elle les avait mêmes tenus dans sa main tout à l’heure. Et puis le chameau et son garde, elle se demandait comment ils étaient entrés.
La cérémonie passa comme un souffle de mystère.
Tout était beau, les chants, les habits des officiants qui brillaient, les cierges qui faisaient des buissons de lumière, la pierre des grands murs qui devenait ocre et s’animait, les tentures, les tableaux éclairés de pénombre, les mouvements de la foule qui se levait par moment, faisait le tour de l’église en silence puis revenait s’asseoir et sans se lasser chantait encore, plus fort que les gros tuyaux.
Le bébé dormait toujours et la petite fille moderne tenait le petit garçon bien charmant par la main.
C’était une nuit de Noël à Saint-Ange-aux Cailles, là où habite la grand-mère pas moderne, là où il se passe des choses pas ordinaires, quand les cloches se reprennent à sonner, cette nuit-là.
"FIN", mais les contes de Noël n'ont pas de fin n'est-ce pas ?
(I.R.) Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !