[Bilan de la première partie de la saison 4 de Supernatural - Jusqu'à l'épisode 4.10 inclus.]
Paradoxalement, j'ai longtemps été très réticente à l'égard de Supernatural. Certes, je suis une téléspectatrice pleine de préjugés qui va instinctivement regarder avec méfiance toute série diffusée sur The WB/The CW. Mais le fantastique est normalement un de mes domaines de prédilection ; et j'avais même gardé un faible pour Jensen Ackles depuis Dark Angel. Logiquement j'aurais dû au moins prendre mes habitudes devant cette série. Cependant je n'étais même pas arrivée au bout de la première saison, peut-être divertissante, mais n'ayant pas éveillé d'intérêt particulier donnant envie de m'investir dans la série. La saison 1 s'acheva, puis la saison 2. Entre temps, la série arriva en France. Ce qui ne me donna pas plus envie de lui redonner une chance (je suis têtue parfois). Puis, ce fut la saison 3. Ou plutôt la saison 2007-2008, aka "la grève des scénaristes". Or j'avais entre temps abandonné toutes les séries fantastiques que j'avais pu suivre au cours des années précédentes ou ces dernières avaient fini par être annulées. Si bien qu'il fallut se mettre en quête d'une nouvelle série fantastique, tandis que des échos assez sympathiques revenaient régulièrement sur les forums, concernant Supernatural. La saison 3 fut donc la première saison que je suivis en entier -et même quasiment en direct vers la fin. Pas encore pleinement conquise, mais le rendez-vous hebdomadaire était pris. J'étais donc devant mon écran en septembre pour le retour de la série et la résolution du terrible final précédent. Et je n'ai pas été déçue !
Cette première moitié de saison 4 pourrait aussi s'intituler "The Dean's Show", tant le personnage de Dean est mis en avant. Les scénaristes semblent avoir voulu quelque peu ré-équilibrer l'importance des deux frères -après avoir longtemps exploité le côté "spécial" de Sam. Même si j'ai lu quelques déceptions un peu acerbes sur le net concernant ce choix, je vous avoue que ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre ; ce serait plutôt une raison supplémentaire d'apprécier ce début de saison.
Le premier épisode débute plusieurs mois après le final de la saison 3. Nous ne perdons pas un instant pour rentrer dans le vif du sujet puisque Dean s'est "échappé" de l'Enfer et que nous le suivons dans ces premières minutes de nouveau sur Terre. Les scénaristes utiliseront par la suite des flash-back pour nous conter comment Dean et Sam ont vécu ces terribles mois. L'ambivalence du personnage de Dean, entre cette dureté inhérente au soldat et ces failles si criantes, moments de faiblesse où le poids des épreuves se fait trop lourd, a été particulièrement exacerbée par ces mois d'Enfer qu'il vient de vivre. Tout au long de ce début de saison, les scénaristes jouent admirablement bien sur ce double aspect, entre une fragilité sous-jacente que l'on devine, fil rouge angsty à chacune de ses réminescences de l'Enfer, et une cocky attitude toujours officiellement affichée et qui est classiquement associée au personnage. Je regrette cependant de ne pas avoir vu plus rapidement expliqué l'ensemble du traumatisme évident : le temps s'écoulant beaucoup plus lentement en Enfer, il est rapidement évident que Dean est bien secoué qu'il ne le laisse entendre ; cependant l'idée même qu'il arrive encore à fonctionner et avoir conservé sa santé mentale apparaît presque aberrant. Certes, le final du dixième épisode est particulièrement poignant et fort. Mais il arrive peut-être un peu tard et laisse songeur sur certains épisodes passés, même si la construction de l'ensemble, en aiguisant la curiosité du téléspectateur, est efficace. Ce Dean's Show ne se réduit pas à la question de la mythologie de la série, mais se traduit aussi par des épisodes centrés sur le personnage : un retour dans le passé pour apprendre quelques secrets familiaux et découvrir de surprenantes informations sur sa mère, à travers notamment la nuit décisive du "pacte" dont Sam sera la victime et qui allait à jamais altérer la destinée familiale (4.03). Mais également, des épisodes où Jensen Ackles s'en donne à coeur joie dans un registre plus loufoque (4.06) ou lorsque Supernatural revisite ses classiques de l'Horreur, en noir et blanc (4.05).
Pour autant, la série n'oublie évidemment pas le personnage de Sam, dont l'innocence initiale continue inéxorablement de s'assombrir. Ces mois sans Dean ont été particulièrement durs pour le jeune homme. C'est à l'intervention de Ruby qu'il doit d'y avoir survécu. Seulement, cette dernière s'est ménagée à ses côtés une place prépondérante. En l'habituant et en l'entraînant à utiliser ses pouvoirs pour désormais pratiquer des exorcismes à distance en se concentrant simplement sur le démon à expulser. Ambivalent Sam qui assume de plus en plus ses capacités, n'hésite plus à y recourir si cela est nécessaire, mais ressent confusément une honte et une gêne qui l'inquiètent. Le jugement de Dean, puis des Anges, est sans appel sur ses pratiques ; pourtant, Sam se sent irrésistiblement divisé entre deux logiques. D'autant que les scénaristes jouent sur ce côté obscur potentiel du personnage. Dès le premier épisode où Dean découvre Ruby dans la chambre de Sam (même si cette dernière ayant changé de corps, il ne la reconnaît pas sur le moment), le téléspectateur ne peut que s'interroger sur la relation qui semble s'être développée entre elle et Sam. Jusqu'où sont-ils allés ? Et surtout, qu'en pense l'humaine possédée par Ruby ? Les scénaristes nous laisseront avec ces interrogations et ce malaise sous-jacent pendant une bonne partie du début de saison, ce qui souligne leur volonté d'accentuer l'ambivalence de Sam. Reste au téléspectateur à s'interroger sur la sincérité de Ruby et son éventuel véritable plan...
Sur le plan de la mythologie de la série, ce début de saison 4 introduit de nouveaux enjeux et, surtout, de nouveaux protagonistes. Lilith s'est mise en tête de briser un certain nombre des sceaux qui retiennent Lucifer dans sa prison Infernale, dans le but de libérer l'Ange déchu, ce qui aurait pour effet de conduire à l'Apocalypse. Les Anges donc, déchus ou en encore officiellement en mission, sont le nouvel élément mythologique fondamental introduit dans ce début de saison. Jusqu'à présent, la série avait uniquement joué sur le tableau de la lutte contre les démons sans se préoccuper d'un éventuel autre versant ; mais voici que les scénaristes prennent le risque, alors que l'univers de Supernatural est relativement bien installé, d'introduire l'existence de l'autre Camp, avec tous les risques que ce terrain relativement glissant comporte. De nouveaux protagonistes qui ont un agenda particulier dans lequel Dean est une des cartes maîtresses, sans que l'on sache précisément quel rôle ces derniers entendent lui confier. Dans cette Bataille qui se prépare, nous avons bien quelques indices, mais pour le moment rien ne semble arrêté. Les Anges même ne semblent pas connaître les plans ultimes de Celui qui les envoie. Entre tests et leçons de morale sur leurs responsabilités respectives, les frères Winchesters se retrouvent entraînés au milieu d'un affrontement dont ils n'ont pas toutes les clés. Rationnellement, ils s'en tiennent à leurs réflexes habituels et s'efforcent de garder leurs certitudes parfois considérablement ébranlées (4.07). Le fil rouge de cette saison se révèle prenant. Nous verrons jusqu'où cela nous conduira ; cependant la libération de Lucifer, à terme, semble plus ou moins acquise tant la Bataille autour des sceaux apparaît perdue d'avance (4.10). Il faut donc se préparer pour un grand affrontement d'ici la fin de la saison.
Comme je le disais, une des nouveautés marquantes de la saison est donc l'introduction des Anges. Loin de l'image populaire véhiculée par des séries comme les Anges du Bonheur, les scénaristes esquivent l'écueil de s'enfermer dans une thématique religieuse, a priori glissante et ne correspondant pas forcément à la mythologie entretenue par la série jusqu'à présent. Ils évitent de céder à un manichéisme trop prononcé pour parvenir à entretenir des lignes troubles où les intérêts de chacun convergent souvent, mais peuvent également diverger, devenant soudain beaucoup plus dangereux. Ce qui marque en premier lieu, c'est l'appréciation très relative de la valeur de la vie humaine qui domine chez les Anges, avec des nuances selon les caractères des deux Anges qui sont présentés. Tout d'abord, le premier épisode nous introduit Castiel (le charmant Misha Collins). Cela fait quelques temps qu'il n'a plus mis un pied sur la Terre, ses techniques de communication avec les humains ne manquent pas de maladresses et ses remarques et explications sont souvent soit lapidaires, soit cryptiques. Castiel est celui qui a récupéré Dean de l'Enfer, pour un but dont les contours s'esquissent au fil de la saison. Pour autant, il est aussi l'Ange le plus proche des préoccupations des Winchesters -dans la mesure où elles rentrent dans les plans de Dieu. Tour à tour écrasant et menaçant, son intransigeance de façade finit cependant par se fissurer lorsqu'il confie à Dean certains de ses doutes sur la situation (4.07). Une façon convaincante d'introduire une ambivalence dans un personnage qui se dessine peu à peu et se révèle très intriguant, avec un potentiel intéressant. Le second Ange, introduit ultérieurement, incarne l'opposé de l'empathie que finit par manifester Castiel. Uriel (l'excellent Robert Wisdom) n'entretient que mépris pour la vie humaine, forme inférieure qui ne trouve aucune grâce à ses yeux. Plus prompt à juger, sans concession et pleinement conscient de sa supposée appartenance à une élite divine, il tend lui-aussi à douter de ses ordres ; mais à la différence de Castiel, les doutes d'Uriel s'inscrivent dans la logique d'une défiance arrogante à l'égard des humains. Dépeints comme des guerriers au service d'une cause (ce qu'Il ordonne), les scénaristes explorent l'univers angélique dans les épisodes 4.09 et 4.10 où l'on croise un ange déchu. Mais ces épisodes mythologiques sont de qualité plus faible que les précédents de la saison, ce qui souligne peut-être que les scénaristes doivent porter une particulière attention si jamais ils veulent préciser ce nouveau versant de la Bataille. En effet, le mystère qui laisse l'esprit du téléspectateur vagabonder et libre de ses propres interprétations est souvent bien plus attrayant, que de révéler tous ces secrets de manière maladroite. A surveiller pour la suite de la saison.
Au-delà des questions scénaristiques pures, je vous avouerai qu'une des bonnes idées de ce nouveau thème est d'avoir introduit, parmi les nouveaux venus, Misha Collins, qui interprète Castiel et qui n'a (logiquement) pas laissé les fans (et moi!) indifférent(e)s. Carol a d'ailleurs judicieusement enquêté sur les critères de casting de Supernatural (et surtout sur ceux qui sont aux commandes). Révélateur (mais incontestablement charmant -ou comment jeter toute crédibilité de critique par la fenêtre, *absolutely no shame*).
Bilan : Cette première partie de saison 4 est convaincante, divertissante et mythologique à souhait. Le nouvel arc sur l'Apocalypse est pour le moment relativement bien négocié -mais qui s'explique en partie par le fait que nous soyons maintenus dans le mystère, sur toutes ces forces qui se positionnent, jusqu'à présent. La série exploite habilement un dualisme de ton qui lui réussit particulièrement bien, alternnat entre drama et comédie ; entre moments parodiques et d'autres particulièrement forts où votre coeur se serre avec empathie. La gestion du retour de Dean de l'Enfer est bien gérée, même si elle cède à quelques facilités (pendant un certain nombre d'épisodes, le traumatisme semblait trop mineur finalement -la fin de l'épisode 10 rattrape seulement en partie cela). Quant aux Anges, ils sont plutôt bien exploités et nous n'avons plongé dans une mythologie religieuse (la série reste fidèle à elle-même) ; mais il faudra faire attention lorsque le voile du mystère et de l'inconnu va peu à peu se lever.
Sans être une experte en Supernatural, j'affirmerais bien que cette saison 4 est, pour le moment, la meilleure de la série.
En bonus, deux illustrations qui symbolisent cette saison 4. Tout d'abord, le "Dean's Show" avec la fameuse vidéo "Eye of the Tiger" :
Puis, une petite introduction à Misha Collins et à son personnage, avec une interview de l'acteur :
A lire - Les critiques épisode par épisode de la série, chez :
- Les reviews de la Sorcière.
- Les critiques de Critictoo.
- Les reviews chez Gready.
- Les reviews de Nephthys.
[Screencaptures issues du Blog de la Sorcière]