L'agenda de cette 85ème semaine de Sarkofrance était rodé : lundi, on rassure le secteur automobile; mardi, on fait son bilan européen et le zélé Darcos lance sa réforme des classes de seconde ; mercredi, on avait planifié une belle distraction pour calmer les banlieues "plan diversité"; jeudi, on vote le travail le dimanche; et vendredi, on adopte le plan de relance.
Mais la machine s'est grippée. Des émeutes en Grèce, un ministre désavoué, une "pression de la rue", et voici une réforme reportée d'un an, quelques heures avant sa présentation officielle. Pour la première fois depuis mai 2007, Nicolas Sarkozy a reculé devant la menace.
La chose semble entendue: cette semaine, Nicolas Sarkozy a pris peur.
Et si la France s'embrasait ?
Sarkozy et Darcos reculent devant les lycéens
Il se murmurait dans la presse informée que le président français s'inquiétait de l'ampleur des manifestations en Grèce. Un jeune tué par les forces de l'ordre, et voici un Mai 1968 incontrôlable qui embrase l'un de nos voisins européens, sur fonds de crise sociale et de blocages politiques. Xavier Darcos en a fait les frais. Dimanche, il affichait encore son mépris pour les opposants à sa réforme du moment, la réduction des enseignements communs obligatoires en classe de seconde. il dénonçait les "perturbateurs" qui s'abriteraient derrière le mouvement lycéen, "qui enflamment des poubelles, jettent des caddies sur les grilles, et qui s'en prennent aux personnes ." Lundi, il retirait son projet. Et le président faisait savoir qu'il suivra "personnellement" les débats à venir sur cette réforme. Jeudi, Xavier Darcos propose son "Grenelle du lycée." Pour la première fois depuis 19 mois, le pouvoir a plié en quelques heures.
Sarkozy échoue sur le travail le dimanche
Second retrait "tactique", Sarkozy avait approuvé un compromis avec sa propre majorité sur le travail dominical. Embourbée par le harcèlement législatif de l'opposition à l'Assemblée Nationale, la réforme de l'audiovisuel a fini par être votée mercredi 17 décembre. Le projet relatif au travail dominical promet le même cauchemar : l'opposition a déposé 4 400 amendements. Jeudi, le Monarque a dû se résoudre au report de l'examen du texte à la mi-janvier, au lendemain d'une première séance houleuse à l'Assemblée nationale. A la mi-journée, l'Assemblée a annoncé l'annulation des séances de jeudi et le report de l'examen du texte. Le Monarque est-il vexé ? "Je ne pense pas qu'en s'agitant avec des pancartes et des badges sur les bancs de l'assemblée nationale, on rende particulièrement fiers les électeurs qui ont voté pour vous" a-t-il critiqué jeudi. Effectivement, les députés de l'opposition brandissaient des pancartes "ORTF" lors du vote de la loi audiovisuelle.
Une Europe affaiblie
Il l'a dit aux parlementaires européens. mardi 16 décembre, Nicolas Sarkozy a expliqué à Strasbourg que ses 6 mois de présidence européenne l'avait "changé." Encore ? Rappelez-vous, Nicolas Sarkozy "change" quand ça l'arrange. Le 14 janvier 2007, il avait déclaré déjà "changé" pour son annonce officielle de candidature à la Présidence de la République : il fallait faire oublié l'agité menaçant de karcheriser ses ennemis de l'intérieur, pour faire place au rassembleur zen et sympathique. Le voici qui nous refait le coup à Strasbourg.
Certains commentateurs furent séduits. Ils se félicitèrent également de l'impulsion politique française. A y regarder de plus près, qu'avons-nous eu ? Un chef d'orchestre agité faisant semblant de connaître sa partition. Sarkozy a certainement affaibli l'Europe politique au profit d'une Europe de Nations. Certains s'en satisferont. L'Europe se construisait sur des traités inspirés par quelques leaders charismatiques, des règles supra-nationales, ou des oukazes bruxellois en tous genre. Depuis près de 6 mois, Nicolas Sarkozy est parvenu à remettre la négociation politique au premier plan.
L'Europe après Sarko est un lieu de bluff et de marchands de tapis.
Le vacarme du plan diversité
A en croire les thuriféraires du régime, le discours de Nicolas Sarkozy mercredi 17 décembre à l'Ecole Polytechnique sur la "diversité" n'était qu'un vacarme de plus, une distraction pour calmer la banlieue alors que l'explosion sociale menace. Le Monarque a reconnu lui-même que le plan Banlieue de Fadela Amara était un échec: "J'ai mis 18 mois pour m'en apercevoir" Avez-vous souvent entendu Sarkozy avouer s'être trompé ?
Sur le fonds, personne ne critiquera la volonté présidentielle de promouvoir les classes modstes et la diversité dans la "formation des élites" ou les médias. Ni de reconnaître enfin que «si l'on regarde comment se distribuent les inégalités, il apparaît clairement qu'en réduisant toutes les fractures sociales, on réduira du même coup toutes les fractures ethniques, religieuses et culturelles». Nous critiquerons en revanche l'absence de fonds, l'imposture absolue d'un Président qui confond annonce et action, nomination avec volontarisme: un "Monsieur Diversité" en la personne de Yazig Sabeg qui s'affiche en faveur d'une discrimination positive; des objectifs sans moyens (tels "30% des places des nouvelles classes préparatoires réservées «aux meilleurs lycéens boursiers»), l'application du CV anonyme déjà voté il y a 3 ans, et la création d'outils statistiques.
La "banlieue" sera-t-elle calmée avec si peu ?
La reprise en main
Cette semaine, les rumeurs les plus folles ont circulé sur les changements prochain au gouvernement Fillon. Nicolas Sarkozy a embauché un Villepiniste, Bruno Le Maire, pour remplacer l'ancien socialiste Jean-Pierre Jouyet aux Affaires Européennes. En janvier, Xavier Bertrand devrait être officialisé à la tête de l'UMP, et abandonner son ministère du travail. Un gentil jeu de chaises musicales pourrait suivre. Dimanche dernier, le nom d'Eric Besson a été mentionné pour remplacer Brice Hortefeux au ministère de l'Identité Nationale. Mercredi, le Figaro jetait en pâture (sur ordre de l'Elysée ?) le nom du socialiste Malek Boutih pour incarner la Diversité au gouvernement, poste qui échut finalement à Yazig Sabeg. Bref, Sarkozy est reparti en chasse. Il veut assoir son contrôle malmené par une fronde interne au camp umpiste. Affiché ainsi qu'il peut se passer d'eux est une vieille tactique sarkozyenne.
Sarkozy a-t-il définitivement perdu ses soutiens à droite ?
Une économie au bord du gouffre
Vendredi, l'INSEE a confirmé que la France entrait en récession. Cette fois-ci, celle-ci n'a plus rien de technique. L'économie mondiale elle-même semble au bord du gouffre: mardi, pour la 10ème fois consécutive depuis l'été 2007, la FED américaine (Federal Reserve Board) a abaissé ses taux directeurs à ... 0%-0,25%. Elle aussi semble chercher à éviter ses huissiers. La semaine dernière, l'État allemand a eu quelques difficultés à emprunter 7 milliards d'euros en Bourse pour un malheureux emprunt public.
En France, l'Insee a prévu un "effondrement" de -0,8% au dernier trimestre 2008, suivi d'un nouveau recul de 0,4% au premier trimestre puis encore de 0,1% au second trimestre 2009. Les prévisions gouvernementales sont désavouées une fois de plus. L'INSEE nous prédit aussi une aggravation du chomage, avec 214 000 destructions d'emplois entre janvier et juin, une décélaration brutale de l'inflation (avant la déflation ?), estimée à seulement +0,3% en juin prochain (contre +3,6% en juin dernier).
Vendredi, le Conseil des Ministres a joué l'autruche : il a adopté le plan de relance annoncé le 26 novembre dernier, avec un déficit budgétaire de 80 milliards d'euros (contre moins de 40 en 2006). Puis trois des siens, Lagarde, Woerth et Devedjian, se sont présentés à la presse pour dire que tout allait bien: l'INSEE aurait oublié d'intégrer les plans de relance français et européen dans sa note de conjoncture. Ben voyons. ce sont vraiment des benêts à l'INSEE ! En octobre dernier, Christine "Magic" Lagarde se félicitait déjà de la bonne résistance du pays à la crise mondiale, avec son fameux "zéro virgule quatorze pourcent" de croissance du PIB au 3ème trimestre.
La menace est réelle
Devant la catastrophe annoncée, mieux vaut sourire, même crispé. La boîte à outils sarkozyste est obsolète ("Travailler plus pour gagner plus" ) et la révolte gronde. Un prestigieux hebdomadaire américain, Newsweek, s'inquiète d'ailleurs pour Nicolas 1er : Sarkozy s'est " affranchi de tout contre-pouvoir chez lui" et il est privé de prétexte européen après la fin de la présidence française. Le monarque est nu, et seul, devant la menace. Et il en a conscience.
Cette semaine, l'Elysée a réquisitionné à son profit 9 millions d'euros de crédits des budgets de la police et la Défense Nationale. Aucune explication n'a été donnée. Le décret est passé au Journal Officiel... dans sa version électronique uniquement, un dimanche après midi de surcroît.
Fallait-il que le Monarque soit inquiet...
Ami Sarkozyste, où es-tu ?&alt;=rss