Décédé à l’âge de 79 ans en 1993, Sun Ra laisse derrière lui plus de 200 albums. En choisir un pour aborder le personnage s’avère donc très compliqué. Mais il a bien fallu le faire, et c’est sur Disco 3000 que mon choix s’est porté, même s’il n’est ni son meilleur disque, ni le plus représentatif de son oeuvre. D’abord parce qu’il n’a été édité que récemment dans sa version complète (en 2007 chez Art Yard). Ensuite parce que certains de ses morceaux restent visionnaires aujourd’hui, 30 ans après leur enregistrement. Enfin parce que Sun Ra s’y montre particulièrement inventif dans l’utilisation des claviers électroniques. Et il aimait ça, les claviers, Sun Ra. Durant toute sa longue carrière, il essaiera tous les modèles possibles : Farfisa, Moog, et autres Celesta, et même des machines plus spéciales comme le Theremin ou le Telharmonium. Sur Disco 3000, il utilise, en plus de l’orgue et du piano, un petit clavier extrêmement rare, inconnu de la firme elle-même, le Crumar Mainman. Ce prototype, obtenu on ne sait comment, était l’un des premiers (peut-être même le premier) à permettre l’utilisation de lignes de basse et de beats préprogrammés tout en offrant une poignée de fonctions sonores modulables (clavecin, cuivres, cordes...). Aussitôt touché, aussitôt maîtrisé. Le musicien s’en donne à coeur joie sur ce disque, et l’on comprend vite pourquoi Sun Ra est considéré comme un précurseur des musiques électroniques et de toutes les musiques étranges.
A côté de ces deux bijoux prémonitoires, les morceaux acoustiques paraissent bien conventionnels et pourtant... Le très funky Sky Blues est un sommet de hard-bop cuivré, clos par un solo insensé du pianiste, visiblement influencé par Art Tatum, tandis qu’”Echos of the World” a la délicatesse des plus vaporeux morceaux de Coltrane. Seuls les apocalyptiques “Sun of the Cosmos” et “When There Is No Sun” s’avéreront réellement difficiles à digérer, même pour les amateurs de free jazz. Pour le reste, ne vous fiez pas à ceux qui prétendent que Sun Ra est inaudible : même s’il n’est pas son disque le plus évident à découvrir, Disco 3000 est tout à fait accessible. Profitons en !
En bref : Ce live n'est pas le meilleur album de Sun Ra, mais il est certainement l’un des plus prophétiques et aventureux. Une fabuleuse exploration des possibilités des claviers électroniques. Pour reprendre une vieille formule : à écouter, au moins une fois !
Sun Ra - Dance Of The Cosmo Aliens.mp3
A noter : Plusieurs enregistrements de la très prolifique période italienne de Sun Ra sont disponibles. Tous sont d’excellente qualité. On peut notamment citer Media Dream, capté lors du même concert milanais, ou Other Voices, Other Blues et New Steps, tous deux enregistrés à Rome durant le même mois de janvier 1978 avec le même quartet.
Sun Ra et son Arkestra font un peu de tourisme en Egypte et en Italie :