Ce qui n’a pas changé : j’aime toujours cette ville, ce pays et cette culture. J’ai encore beaucoup de choses à découvrir sur la Chine, mais il y’a quelque jours, Ghislaine me disait que depuis 20 ans, elle en découvre toujours sur la Chine ; donc à priori, je ne suis pas sortie de l’Auberge. J’aime toujours autant prendre des photos des chinois, des vieux comme des jeunes. J’aime les fossés de ce pays. C’est plusieurs pays en un. La géographie en a décidé autrement, mais la Chine pourrait être un continent à part. la ville de Chongqin compte 30 millions d’habitants, la moitié de la France, les populations de l’Autriche, la Hongrie et la Belgique réunies !
Ce qui a changé en un an ? des tours ont poussées, la ville se prépare pour les JO, dans un an justement, moins de mendiants, moins d’africains qui vendent du shit à Sanlitun, moins de pousse-pousse, et plus de béton. Le verre envahit de plus en plus vite la ville, pour habiller des immeubles on ne peut plus fades. Pékin veut ressembler à une ville moderne, à n’importe quelle ville moderne.
Ce que je ne remarque plus, ce sont les tricycles à tous les coins de rues, les vélos, les publicités, les taxis, les vendeurs ambulants, la pollution. Tout ça est entré dans mon environnement, je remarque davantage quand je vais dans d’autres villes l’absence de tout ça.
En revanche, je remarque toujours les Crachats (et leurs préparations bruyantes), les mecs qui dorment sur leur frigo au dessus de leur tricycle, les enfants de 4 ans que les parents envoient mendier alors qu’ils savent à peine parler, les bagarres dans la rue, entre chauffeurs, entre jeunes imbibés d’alcool. Je remarque toujours les visages des vieux, qui portent en eux une histoire qui semble si lointaine : la révolution, mao, le bond en avant, la révolution culturelle, la bande des 4, l’ouverture du pays, les manifestations de 89, le boum économique…
Ils ont peut être porté le livre rouge, peut être envoyé des gens dans les camps de rééducation, peut être ont-ils eux-mêmes subi un internement, peut-être ont-ils subi les séances d’autocritique les mains liées, un panneau autour du cou. L’amnésie gagne peu à peu les esprits. Qu’importe la mémoire, seule compte l'Audi noire et la taille de l’appartement, seule compte sa place sur l'échiquier mondial, les JO d’abord, le reste on verra. La Chine ne se réveille pas, bien au contraire, elle rêve…