PATRIMOINE RELIGIEUX
Il ne se passe de mois sans qu'un confrère ne me sollicite dans le cadre de son enquête sur l'avenir de nos églises. Le sujet intrigue, émeut. Tant mieux ! rien ne serait pire que l'indifférence. Hélas ! il est toujours d'actualité.
Les solutions existent-elles ?
Une lectrice du blog désirait savoir, le 2 décembre, si j'étais pour ou contre "le fait que des églises soient vendues et transformées en logement ou autre chose qu'un lieu de culte". je lui avais répondu ceci :
Ma réponse sera graduelle et j'y ai déjà en partie répondu dans ma note A propos de l'avenir de nos églises : constats et perspectives.
Avec Barrès, dont "La grand pitié des églises de France" demeure ce que j'ai lu de plus pertinent et de plus fort sur ce sujet qui m'est cher, je crois que nos églises n'appartiennent pas qu'aux seuls catholiques, ou aux seuls croyants. L'église, ou la chapelle, est aussi "importante pour celui qui s'agenouille devant l'autel que pour celui qui la regarde depuis la place du village". Elle participe de nos identités respectives et communes. Toujours pour paraphraser Barrès, "l'église est ce qui distingue un village et une communauté d'habitants, inscrits dans une histoire commune, d'une simple station agricole". Et par cela, leur avenir nous concerne tous, quel que soit la croyance ou l'absence de croyance. C'est mon premier point.
Ensuite, ces églises, quelques soient leur ancienneté ou leur qualité esthétique (Barrès dit qu'"il n'en existe pas de laides"), sont là pour nous délivrer des messages qui peuvent être pour les uns d'ordre culturel, pour d'autres d'ordre spirituel. Elles nous rappellent les événements joyeux et douloureux de nos vies, mais plus que cela encore, elles enseignent les fondements de notre civilisation, le message chrétien qui fait qu'aujourd'hui nous sommes des êtres libres et responsables. Celui-même qui a donné à tous l'humanisme qui nous est commun.
Elles nous rappellent aussi notre condition humaine, faillible et bien souvent faible, notre désir de rédemption, d'amour du prochain, notre quête d'absolu et d'éternité, et pour les croyants, dont je suis, notre salut. Elles rappellent à tous que ce monde n'est pas fait que de commerce, d'enrichissement matériel, de domination du plus fort sur le plus faible... Que la vraie richesse est intérieure, la vraie liberté aussi... Quel autre lieu partagé peut offrir, dans une gratuité totale pour celui qui y pénètre, ce silence qui permet de se retrouver face à sois-même, face à son destin humain ? Ces églises ne peuvent-être des bâtiments comme les autres. Et au delà du culte qui s'y produit. J'insiste sur ce point parce que je crois, que même sans culte organisé régulièrement, les églises continuent de nous enseigner, de nous révéler à nous-mêmes. Pour cette raison, je pense que toutes méritent notre attention bienveillante, notre respect, notre vigilance.
Pour aider ces églises à parler aux hommes d'aujourd'hui, y compris quand le culte ne suffit plus à les faire vivre, je de ceux qui croient que nous une mission nouvelle dans la diffusion des arts sacrés. Ces arts qui sont aussi des chemins de cultures et de spiritualité, doivent retrouver un engouement populaire. Diffusion et production d'arts sacrés (peinture, musique, sculptures, littératures...) et protection des églises vont de paire.
Enfin, et je vais peut-être vous décevoir, les avatars de l'Histoire ont déjà produit des cessions d'églises et des changements d'affectation. La vente de biens nationaux, sous la Révolution, en a fournit bien des exemples qui perdurent sous nos yeux. Si je peux les regretter, je ne désespère pas. Il y a des échecs définitifs (démolition) et des échecs qui ne sont pas irréversibles (changement d'affectation). Autrement dit, parfois mieux vaut une désaffectation, voir un changement de destination, qu'une démolition qui reste un drame irréversible. L'Espérance est une vertu chrétienne. J'en veux pour preuve l'abbaye du Mont-Saint-Michel, qui a connut des heures sombres quand elle devint prison. Aujourd'hui elle reçoit à nouveau la prière de moine et de moniales, de pèlerins...
Pour autant des solutions existent-elles ?
Le reportage d'Envoyé Spécial a bien montré dans première partie la difficulté que rencontre les maires des communes rurale devant les couteux travaux de restauration qui se chiffrent très vite en plusieurs millions d'euros. Ce qui dépasse largement un budget communal. On peut alors comprendre l'impasse.
Mais le même reportage a souligné aussi que ces couteux devis de restauration sont toujours le résultat de nombreuses années d'incuries. La dégradation commençant par une banale fuite, l'eau infiltrée et le temps poursuivant leur travail de sape.
Une seconde solution appartient sans doute aux communautés catholiques et aux habitants concernés par leur églises. La messe n'est pas la seule et unique occupation d'un lieux de culte. Elles sont aussi des lieux qui enseignent une culture. une culture chrétienne certes mais aussi artistique qui parle à tous, quelle que soit la confession ou le degré de croyance du visiteur.
Nos voisins suisses et autrichiens ont inventé des "Nuits des églises" qui connaissent un fort succès.
Mais pour cela il faut la mobilisation de tous, occasionnellement ou de manière plus permanente. comme ces exemples dans la Maine et à Rouen le montrent.
Cela suppose aussi que soit diffusée plus largement la connaissance de ces arts sacrés. Apprendre à lire son église, c'est apprendre à mieux la connaître et en apprécier les richesses. c'est surtout donner envie de la faire connaître... C'est sans doute sur ce point qu'il y a aujourd'hui le plus d'efforts à déployer...
Concernant la réaffectation d'églises à des activités profanes, je reviendrai dans une prochaine note, profitant des circonstances pour actualiser la liste déjà publiée en janvier 2008
Lire sur ces sujets :
"Mon église au Canada"... et ailleurs 17 décembre 2008
Nord Ces églises qui s'inventent une seconde vie 2 décembre 2008
A propos de l'avenir de nos églises : constats et perspectives 30 juin 2008
Orne : désaffecter les églises ? 22 mai 2008
Allemagne Les Eglises protestantes et catholiques face à l'avenir de 80 000 églises classées 5 mai 2008
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