Le premier saut, après ses petits pas enfantins, est l’arrivée aux crus (pas au sens de cuisson). Les noms de thés ont perdu leur exotisme, cette appellation encore coloniale ou sentimentale. Les thés revêtent leurs noms authentiques, plus poétiques aussi. Nous passons de l’occident à l’orient (oui, je n’oublie pas les autres pays d’origine du thé, mais mes préférences vont à l’Asie). L’amour ou le sentiment humain fait place à la réelle contemplation de la nature… je disais là, en parlant de la peinture asiatique, que les Chinois ne jouissent ainsi pas seulement du panorama lors de leurs escapades mais essayent de capter la vitalité de la nature, sa force. L’énergie vitale, le Chi, est alors au centre de toute vie. En buvant un thé, c’est aussi le Chi de sa plantation que nous ingérons… les noms reprennent ainsi une pensée de lettrés sur le paysage comme « Brume de nuage de la montagne Lu » ou un détail de jardin « Pivoine blanche » ou encore un indice de légende, de mythe ou de conte propre à illuminer nos esprits « Statue en fer du Guanyin », « Grand manteau rouge » ou « Puits du dragon »…
A ce stade, les infusions deviennent quelques fois de vraies dégustations. Le matériel se fait plus pointu, la théière japonaise si convoitée devient une tetsubin, le nez plus de poids, l’utilisation des zhongs devient quotidienne (enfin pour moi).
J’en suis ici… et je dois dire que cela fait une semaine que je rebois aussi mes thés en vrac parfumés. Je suis allée très vite dans cette découverte et ce cheminement sans apprécier à sa juste valeur tous les thés magnifiques que j’ai bu dans les maisons de thé parisiennes (entre autres), j’en suis sûr. Le frimât et aussi ce besoin de boire chaud accompagné d’un encas sucré m’a ramené ces thés plus modestes mais qui font chaud au cœur tout de même. N’est-ce pas l’essentiel ? Les décorations ne sont pas encore sorties, l’arbre n’est pas là… il n’y a que les parfums naturels (le plus possible) de ces thés noirs, verts ou fumés de base qui viennent mettre une touche d’effluve plus tenace que les grands crus… des pots pourris miniatures, une ambiance de fête. Les boites se vident… c’est bien certains de mes thés, plus « délicats », attendaient dans leur sachet fraîcheur une place vide, aérée entre deux contenants et hermétique après.
Un second saut est celui qui nous amène aux jardins de thé, ce thé en vrac que nous savons venir de tel jardin, telle année à telle récolte… un nom, une saison et pourquoi pas une annotation supplémentaire. J’ai quelques thés verts japonais et un oolong chinois… je suis toute gênée à l’idée de les boire, mais je me soigne (cf. dégustation de Sencha Yame). A ce moment, mes achats seront encore réorientés vers d’autres sources encore plus puristes.
Alors voilà, un thé parfumé ce matin avec un petit gâteau trop sucré de mon fils (sans sucre le thé, lui)… et après la promenade du matin avec passage dans le parc sans lavande, parce qu’il fait doux, un thé vert chinois, un Wu Lu. Mais il me faut là tout dévoiler. Au dernier SWAP Thé, ma swappée était Francine, cette nanny de thé, amatrice, fan et passionnée de thé. Je la gâtais et au même moment, parce que je venais d’avoir 33 ans, j’ai reçu de sa part un colis contenant des propositions de dégustations affolantes et un disque pour accompagné celles-ci. Je ne l’ai pas encore écouté… et aujourd’hui j’ai dégusté un des thés offerts, le Wu Lu.
Ce Wu Lu, un YunWu du Zheijang, « nuage et brouillard » a une complexité en parfums magnifique. Comparé au Lu Schang Yun Wu dégusté il y a peu je l’ai trouvé bien plus ample et olfactif. Est-ce parce que j’ai maintenant une semaine d’expérience de nez avec ma petite tasse à sentir ? Peut-être. Peut-être aussi parce que le zhong était moins poreux, j’avais opté cette fois-ci pour la porcelaine… sans prendre garde qu’il s’agissait d’un thé vert (choix du zhong en terre normalement).
Les feuilles sont petites, flétries et d’un vert profond avec quelques feuilles plus brunes. Elles dégagent une odeur de tabac et de chocolat. La liqueur est elle jaune mimosa, comme l’autre Yun Wu, épais et limpide. La tasse à sentir laisse apercevoir des notes de cacao mais aussi un peu fruitées, avec un net appel très bref au tout début de céréales toastées ou de farine de châtaigne. La liqueur a une très belle ampleur et est presque beurrée, moins végétale que le Lu Shang… une merveille !
Merci encore Francine.