On sait que l’un des projets du President-elect Obama, du temps où il était encore candidat, était d’augmenter les forces effectivement combattantes des forces armées US d’à peu près 90.000 hommes (U.S. Army essentiellement, Marine Corps également). Cela correspond à une tentative de résoudre une situation qui fait qu'aujourd’hui un engagement en Irak chiffré à 150.000-160.000 soldats US au maximum empêche d’augmenter de manière significative (20.000-30.000 hommes) le déploiement US en Afghanistan, pourtant assez faible (autour de 40.000-50.000 hommes).
Cette estimation est remarquablement supérieure aux estimations faites de sources privées ou de sources alternatives. Ainsi, le Congressional Budget Office, une des deux sources comptables officielles les plus sérieuse avec le GAO, estime à $14 milliards annuels le coût de l’augmentation d’effectifs envisagée.
Dans son numéro du 15 décembre, Defense News écrit notamment:
«The U.S. Army projects it will need $40 billion annually above current spending levels once a planned 74,200 troops are added, according to a draft service report for the Obama transition team. The report says the planned force of 1.1 million soldiers would require a budget of “$170 billion to $180 billion per year to sustain,” well above the 2009 budget of about $140 billion. Defense News obtained a draft copy of the 43-page document, labeled “predecisional” and dated November 2008.»
D’une façon général, Defense News a obtenu fort peu de commentaires d’experts indépendants à propos de ce chiffre, et de l’énorme différence avec l’estimation du CBO. Les indications de l’article semblent indiquer qu’il y a eu un mouvement général, soit d’incompréhension, soit de prudence («Several analysts declined to speculate about the discrepancy with the CBO figures.»). L’une des rares appréciations mentionnées est celle d'Andrew Krepinevich, qui est plutôt un expert “réformiste”, très critique du comportement et de la méthodologie du Pentagone. L’appréciation de Krepinevich concerne la méthodologie de l’étude, qui a pourtant été faite pour l’équipe de transition d’Obama, donc qui constituerait une sorte de “pré-recommandation” de l’U.S. Army pour une future administration Obama si celle-ci voulait mener son projet à bien. Selon Krepinevich, cela ne semble nullement être le cas: le rapport ne reflète aucun changement, ni de méthode, ni d’orientation, mais l’application classique des méthodes bureaucratiques actuelles, en cours et en vogue au Pentagone.
«The document is largely a reflection of current status and plans, not a call for changes to be made under a new administration, said Andrew Krepinevich, president and CEO of the Center for Strategic and Budgetary Studies, Washington. “Remember, with [Defense Secretary Robert] Gates’ reappointment, the Army still has the same leadership at the Pentagon. The transition team is not Gates. And the members will not necessarily have positions in the Pentagon. In fact, most will not,” Krepinevich said. “The transition team is there to gather information useful to those who will assume senior positions under Gates. So there does not appear to be a reason for the Army to modify its position from that which it had prior to the election. If it has, I don't see it here.”»
Nous avons fait le parallèle approximatif avec le budget militaire français parce que le symbolisme est significatif pour mesurer dans quel univers différent, dans quel univers spécifique, avec ses propres besoins et sa propre comptabilité, évolue la bureaucratie du Pentagone. Il faut bien entendu avoir à l’esprit que ces $40 milliards de plus ne concernent aucune modification structurelle et logistique majeure, puisqu’il s’agit simplement d’élargir une structure déjà en place, d’ajouter quelques brigades aux brigades d’ores et déjà disponibles. L’avertissement de Krepinivich est nécessaire, pour nous permettre de reprendre notre souffle: l’évaluation de l’U.S. Army appartient au monde courant du Pentagone, non à celui qu’Obama voudrait éventuellement mettre en place, – c’est-à-dire un monde US, et un monde-Pentagone caractérisés par le changement (“We can change…», proclamait le candidat Obama).
Il ne semble guère nécessaire de faire un long commentaire. L’évaluation de l’U.S. Army apparaît comme un exemple particulièrement frappant du caractère hors de tout contrôle du monde militaro-bureaucratique US. Le document de 43 pages parle abondamment des nécessités de sécurité, des menaces existantes, des temps difficiles à venir ; il parle même, sans aucune appréciation particulière pour la logique absurde qu’il développe ainsi, de la crise financière et économique qui ajoute à l’incertitude et aux menaces comme d’un argument supplémentaire de renforcement des forces armées entraînant des dépenses et des coûts qui devraient être considérés effectivement comme des mesures alimentant la crise en question… Les “précisions” données sur la méthode, les causes et les mécanismes, les nécessités, etc., justifiant cette évaluation de $40 milliards en plus, sont d’une imprécision et d’une concision exemplaires, rapporte Defense News («The Army paper, which outlines a broad range of service plans, strategic insights, future needs, goals and potential threats, does not spell out how service officials arrived at their $170 billion to $180 billion estimate. One Army official familiar with service planning said the extra funds would go toward personnel costs and gear»).
Bonne chance au President-elect, il en aura besoin.
Source du texte : DE DEFENSA