La dictature qui a sévi de 1976 à 1983 en Argentine fut l'une des pires qu'ait connue l'Amérique latine. Avec 30 000 disparus, des méthodes de torture et d'élimination violentes et perverses, cette « sale guerre » reste un cas d'école. Aujourd'hui encore toutes les responsabilités n'ont pas été identifiées (ni sanctionnées), et pour celles qui le furent, des lois d'amnistie ont coupé court à tout travail de mémoire. De tous les tortionnaires, un nom est vite apparu central, celui d'Alfredo Astiz, un capitaine de frégate, bel homme, fier et orgueilleux. Surnommé « Gueule d'ange » ou « l'ange exterminateur » par les associations humanitaires argentines (en référence au film de Buñuel ?), il est vite devenu le symbole des horreurs commises durant la dictature. Et surtout de l'impunité dont ont bénéficié les exécutants. Cette terrible histoire qui secoue encore aujourd'hui une Argentine en crise pourrait paraître bien lointaine.
Tristan Mendes France
envoyé par Alexandre de Nunez
Ce serait oublier que des ressortissants européens (France, Suède, Espagne, Italie) ont également été assassinés, que des centaines de familles attendent encore de savoir ce que sont devenus leurs proches, ou que des centaines de bébés volés aux opposants du régime assassinés ne connaissent pas leur véritable identité... En attendant, Astiz coule des jours paisibles sur les bords de la Plata, revendiquant haut et fort ses convictions, ses crimes et se pavanant sur le cimetière des victimes qu'il a suppliciées.
Mais qui fut cet homme au cœur d'un système militaire paranoïaque devenu fou ? Laissons la parole à l'avocate des victimes françaises d'Astiz, Me Sophie Thonon-Wesfried : « La meilleure description qui a été donnée d'Astiz l'a été par lui-même. Il se décrit comme une machine à tuer, élevé, formé au sein de la Marine. La Marine est l'un des corps d'armée qui s'est conduit, durant la dictature, de la façon la plus abominable et atroce qui soit, au nom de la justification d'une idéologie de la « Sécurité Nationale », de la lutte antisubversive, anticommuniste. Astiz a parfaitement intégré le message et a suivi scrupuleusement ce qu'il lui était demandé par ses supérieurs. Il est donc le parfait élève d'un enseignement mis en place par les armées argentines. »
Tristan Mendès France
Assistant parlementaire, journaliste - écrivain et documentariste. Impliqué dans la défense des droits de l'homme, il est notamment l'auteur de Gueule d'Ange : nationalité : Argentin, activité : tortionnaire, statut : libre aux Editions Favre.