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Mon frère, mon petit frère prodigue, l’être parfait dont je ne suis que le brouillon, revient après 5 mois passés au pays de la saucisse et de la bière. Et il revient avec un être bizarre, semblable à notre espèce et pourtant si différent.
Une fille.
Qu’est ce que c’est ? Qu’est ce qu’elle fout là ? Moi qui ai passé toute ma vie à construire mon frangin comme je suis, en le forçant à regarder séries sur séries, à enquiller les mangas interminables, à poutrer du zombie sur XBox 360.
Et j’avais réussi, suivant le déterminisme culturel cher à Bourdieu (eh ouais, la méga référence qui tue… j’ai que celle là en même temps). Et puis voilà qu’il revient tout gluant de romantisme cul-cul, et vas y qu’il balance des bisous par ci, et des mamours par là… L’horreur.
Le choc pour mes parents aussi, vu mon exemple, ils n’avaient jamais pu imaginer que leurs fils puissent être un jour sexués ! Et voilà le drame. La touche féminine dans mon monde plus habitué aux poils, au porno et à la bière. On est loin des couronnes de princesse, de Plus Belle La Vie et des lettres bourrées de paillette.
Oui, de l’extérieur ça fait très peur.
Et je le plains, le pauvre. Plus jamais tranquille, plus moyen de passer son temps devant un écran, obligé de penser à son image et de demeurer sexy en toutes circonstances… C’est la guerre. Se battre tout le reste de sa vie. C’était déjà un exploit de se faire remarquer, il va falloir maintenant la garder. Et il traîne un sacré nombre de casseroles derrière lui.
Il a géré la présentations aux parents, sa période d’adolescent disgracieux étalée à la vue de sa promise en autant de photos aberrantes, mais il lui reste un point crucial, la gangrène dans son bonheur idyllique.
Son frangin.
Moi.
Ah bah oui, je vois pas pourquoi je ferais le moindre effort ! Elle me vole mon frère, elle me fait passer pour le dernier des asocial, et je devrais en plus être sympa ? No way, comme dirait Avril Lavigne (Whouaaa, encore de la référence qui claque). Je serais le plus ignoble des grands frères. Ou des beaufs.
Un Yop ? Je crache dedans !
Gossip Girl ? On a jamais vu plus naze !
Ce jean ? Ah mais il te grossit vachement !
Mouahahaha.
Enfin ça, c’était avant qu’elle ne m’offre des shockobons pour mon anniversaire. Honteuse corruption du jury. Délicieuse aussi.
Formidable cette fille !
Le fait qu’elle achète mon acceptation fraternelle me convient parfaitement.
On augmentera la dîme chaque année (et ça commence dès Noël, hop hop hop, on a plus qu’une semaine pour s’en occuper jeune fille !).
Enfin le pire dans tout ça, c’est que je vais devoir me tenir.
Pour être présentable, déjà, et puis pour me trouver ma propre copine.
Parce que bon, j’avais bien la classe à décréter partout que c’était un choix de vie, que la bagatelle ne m’intéressait pas, que je ne vivais seulement pour mon art.
Mais à d’autres.
C’est des conneries tout ça.
On peut parler ici, dans l’intimité du World Wide Web (et de mes 15 connexions quotidiennes), une copine, c’est tout ce qu’il me manque.
Je suis un mec génial, au physique parfait, à l’humour ahurissant, à l’odeur corporelle savamment étudiée, non vraiment, je ne vois pas ce qui cloche.
Le véritable geek ne pourra se déclarer comme tel que s’il reste seul.
Désespérément seul.
Allez on se remue.
Parce que je suis en train de me rendre compte que le mec cynique qui passe son temps au cinéma juste pour le plaisir de critiquer et de se sentir supérieur 15 minutes par jour et en train de muer en type responsable, qui pense à son avenir, aux gens qui l’entourent (j’ai même failli être ému par le téléthon cette année ! Enfin, c’est pas passé loin, mais quand même, je ne suis pas si affligeant).
Et des fois, j’essaie même d’être sympa.
Je me suis acheté un jean SLIM !
Il m’arrive de faire du sport !
Je me débecte.
Enfin je rassure l’ensemble de mes fans (ma cousine, et ma mamie qui comprend rien mais qui dit qu’elle aime bien pour me faire plaisir, donc) je suis toujours un looser qui rate ce qu’il entreprends et qui n’arrive toujours pas à draguer par Msn.
Draguer par Msn.
C’est peut-être ça qui cloche, va savoir.
Bien sûr, pour les autres, ça marche.
Et puis on essaie d’écouter les conseils, « Faut être méchant ! » « Faut être gentil ! » « Faut rien à en avoir à foutre ! » « Faut être attentionné ! ».
C’est flou tout ces concepts.
Et mon petit frère, celui à qui j’apprends à vivre, selon mon Nindô, il a tout compris avant moi.
La chance ?
Non, la classe.
Re-bienvenue dans mon monde Fabien.
Ce coup-ci je t’offrirai pas mon ours en peluche préféré (oooooh comme c’est touchant), mais par contre j’ai fait le plein de la caisse.
Et bienvenue aussi, Marion, du coup.
Dis… t’aurais pas des copines célib’ à me présenter, par le plus grand des hasards… ?