En première page du Monde daté de jeudi 8 décembre figurait une photo de l’Assemblée nationale sur laquelle des députés brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire ORTS, Office de Radio Télévision Sarkozyste. En dénombrant une petite quarantaine, je pensais qu’ils auraient pu s’éviter une manifestation aussi vaine. Il leur aurait suffi d’être présents le vendredi précédent avec le même effectif et ils auraient mis en minorité les godillots de l’UMP. Quelle était la raison de leur absence ce vendredi funeste, une annonce trop tardive de la tenue du vote ou la trop grande proximité du week-end ? J’aimerais le savoir.
Puisque l’estimable chef de la majorité, M. Nicolas Sarkozy, parle de la pagaille entretenue par l’opposition à l’Assemblée, ouvrons-lui un peu les yeux sur ce qu’il perpètre sur la Télévision publique.
1) La suppression de la publicité garantirait à France Télévisions de disposer d’un financement stable, surtout en cas d’une diminution des budgets de publicité. En fait :
- Si le financement a bien été inscrit dans la loi de finances 2009, rien ne garantit qu’il en ira de même pour les années suivantes. De plus, la suppression des spots publicitaires libère de l’espace pour de nouvelles émissions dont le financement a été complètement oublié. A moins que, dans sa bienveillance, notre grand roi n’ait prévu d’occuper ce temps disponible avec de nouveaux messages gouvernementaux, comme si les journaux télévisés ne suffisaient pas à sa propagande.
- Le mécanisme des vases communicants va avoir pour effet de reporter sur TF1, la chaîne du copain Bouygues, l’essentiel des budgets jusqu’ici consacrés à la télévision publique. Pour lui permettre d’absorber ce surplus de messages, l’Etat autorise d’ailleurs le pote de notre Président à opérer de nouvelles coupures publicitaires dans les films diffusés sur ce temple de la culture qu’est TF1.
- Le délicieux Frédéric Lefebvre a osé déclarer qu’avec la crise les ressources générées par la publicité allaient diminuer. C’est assurément pour cette raison que la loi prévoit de plafonner la taxe versée par les télévisions privées lorsque la progression des recettes publicitaires est forte.
2) La nomination, et la révocation, des présidents de chaînes publiques se feront en Conseil des ministres. On rompt ainsi avec l’hypocrisie qui donnait ce pouvoir au CSA, pourtant entièrement à la botte du Président. Ce qui n’empêche pas, toujours cet ineffable Lefebvre, de déclarer quelques instants plus tard, qu’il n’y a pas d’atteinte à la démocratie, puisqu’il faudra l’avis conforme de ce même CSA. Quant à l’abandon de l’hypocrisie, selon l’excellente formule du directeur de Marianne, c’est comme si l’on disait : "l’inceste existe, dépénalisons l’inceste ! " et j’ajoute : et faisons-en vertu !
Au passage, ces mêmes grands penseurs en profitent pour égratigner Mitterrand, disant que c’est lui qui a institué ce CSA. Ils oublient ce faisant que c’est sous sa présidence qu’il y a eu l’explosion des radios libres, en des temps où les radios étaient plutôt bridées.
3) Les entreprises, publiques ou privées, ayant le plus souvent des exercices calés sur l’année calendaire, il était indispensable que la suppression de la publicité sur France Télévisions soit effective dès le début de l’année. Cela nous a valu cet épisode cocasse où c’est le législateur qui a autorisé un surcroît de publicité dans des entreprises privées tandis que, pour le public, on a demandé à un Conseil d’administration, en toute indépendance, de se priver de 30% de ses ressources. Le monde à l’envers ou plutôt, comme l’a dit notre chef démocrate et bienveillant, la pagaille.
Je ne résiste pas au plaisir de reprendre ici un encadré du Canard Enchaîné du 17 décembre. Christian Kert, rapporteur du projet de loi sur France Télévisions, a déclaré le 14 décembre dans Le Parisien : "Une fois que la loi sera votée, il faudra avoir une réflexion d'ensemble sur l'audiovisuel et le CSA". En somme, ce que déclare ce charmant bipède, qui non seulement a réussi à se faire élire député mais qui, de surcroît, s'est vu confier la responsabilité d'une commission ( un de ces machins si absorbants qui empêche les députés de siéger dans l'hémicycle et de prendre part aux votes) : l'important, c'est de voter les lois. On réfléchira après !