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Médéric Collignon et Damien Schmidt duo cosmicomique au Triton
Publié le 18 décembre 2008 par AssurbanipalLe Triton. Les Lilas. Samedi 13 décembre 2008. 21h.
Médéric Collignon : trompinette, claviers, voix, tuyaux
Damien Schmidt : batterie, percussions, voix, guitare basse électrique
C'est leur premier concert ensemble. Il s'agit d'une improvisation. Ils entrent sur scène bras dessus bras dessous en chantonnant. Médéric s'amuse avec ses claviers, Damien avec ses percussions. Le voyage intersidéral commence. La rigueur rythmique du pied de Damien Schmidt est impressionnante. Médéric a aussi des triangles pour percuter. Le pied de Damien rejoint la ligne de basse de Médo. Ca se sent dans le ventre. Ils n'ont pas besoin de pousser le volume fort pour que la musique soit puissante. Médo fait la ligne de basse avec la gorge et la mime avec les doigts. Damien Schmidt en inventivité, en créativité, c'est plusieurs classes au dessus de Philippe Gleizes le batteur habituel de Médéric.
Pourquoi cette musique se joue t-elle dans une salle de concert avec des gens assis ? Une piste de danse devrait être prévue pour se défouler de l'énergie qu'ils nous transmettent. Dance to the music (Sly Stone).
Maintenant Médéric vocalise sur sa ligne de basse jouée aux claviers alors que le batteur fracasse. La frappe sèche, précise de Damien fait toujours merveille.
Le concert est en impro totale. Ils s'amusent et nous aussi. Médéric essaie un nouvel instrument avec un tuyau relié au clavier apparemment. Damien scratche avec sa voix. Ils nous réinventent le chant tribal, version XXI° siècle français. Que ce soit avec ses mains ou des baguettes sur les tambours, il est évident que Damien Schmidt a bu à la coupe du Saint Groove. Médo refait la basse pour l'accompagner puis, miracle de la technologie, fait tinter son clavier comme un balafon. C'est de l'afro beat français et ça sonne.
Enfin il prend sa trompinette. Ca redevient acoustique et je retrouve le genre de joie que donnent Don Cherry et Ed Blackwell dans « Mu ». En jouant vite et haché, le son de Médo rappelle celui de Dizzy Gillespie dont il est le petit-fils caché à mon avis. Il repart aux claviers. Cymbales et tintements se répondent tout en douceur. Les baguettes de Damien se transforment en lanières de cuir tant son jeu est souple et puissant. Un vrai batteur de Jazz. Des petites notes aiguës s'envolent au dessus d'une lave sonore en fusion. Médéric fait l'idiot avec un triangle, Damien avec sa voix.
Le petit garçon assis devant moi n'a jamais vu ni entendu des adultes faire les fous comme ça. Ca l'inquiète un peu. La salle est bondée. Tant mieux.
Médéric essaie toutes sortes de tuyaux d'arrosage sonore puis se lance dans un scratch fou aux claviers, comme un vieux break dance revisité. Damien fait la beatbox. Le petit garçon en a marre et s'en va. Son père est bien obligé de le suivre. Dommage. Il avait l'air d'aimer, lui.
Médo reprend la trompette. Damien joue le rapper US. Damien lance les claps. Médo fait la basse. Damien fait même du rap en français. Son débit est dans le style des Massilia Sound System mais sans l'accent marseillais. Médo trifouille ses claviers avec des baguettes magiques. Il refait la basse sur sa nappe de claviers. Le batteur chante en jouant comme celui des Eagles mais je sens qu'ils ne joueront pas Hotel California ce soir. Cependant ils finissent cette première partie par un petit air idiot de pop music.
Pause
Un larsen pour reprendre. Le larsen meurt écrasé sous un déluge synthétique. Médéric fait sonner sa trompinette comme une flûte. Damien pose les fondations du groove. Claviers et trompinette se mêlent. Le voyage interstellaire reprend. Dizzy Gillespie, Don Cherry, Sun Ra, Ed Blackwell, Elvin Jones peuvent dormir en paix. La descendance est assurée. Légère citation de l'album « In a silent way » de Miles Davis à la trompette.
Damien Schmidt passe à la guitare basse. Il slappe bien. La batterie passe en boucle derrière. Médo chantonne avec un tuyau dans la bouche. Il le quitte vite. Logique. La basse tient le groove. Médo brode ses vocalises. Damien reprend ses baguettes, s'asseoit alors que la basse passe en boucle. Batterie et claviers viennent boucler ces boucles rythmiques. Ca repart sur une sorte de groove hypnotique. Ca marche. La demoiselle assise à ma gauche hoche la tête d'arrière en avant et d'avant en arrière. C'était une reprise de Stanley Cowell, Cecil Mac Bee, Roy Haynes période 70's.
Médéric nous fait un sktech avec des jingles enregistrés sur les claviers. Puis il fait des bruitages avec son Roland. Ils se lancent vraiment. Roulement de cymbale, trompinette, retour au Jazz. Le remix en direct de la trompinette vient en écho. Puis il vocalise tout en remixant en direct. Médo maîtrise de mieux en mieux son outillage et sa musique prend de l'ampleur. Un duo trompinette/batterie d'anthologie alterne avec des phases vocales remixées. Médéric fait à nouveau sonner son clavier comme un balafon ponctué par des roulements de tambours de Damien.
Après quelques jingles ludiques, Médéric fait siffler ses cordes vocales devant le micro. Il va chercher le son loin dans la gorge haut dans l'aigu et bas dans le grave. Il percute ses joues et sa bouche pour trouver un son inouï. Sur la tonalité finale de sa voix, claviers et batterie repartent. La batterie martèle, le clavier joue les grandes orgues, la basse sort de la gorge de Médéric. C'est le grand jeu.
Après ce final en apothéose, les musiciens s'arrêtent, saluent sous un tonnerre d'applaudissements. Pas de rappel. Les musiciens ont tout donné. A nous, spectateurs, de transmettre cette énergie dans nos vies.