Le monde de la consommation est un monde de signes. Les choses, dans la société de consommation, sont moins utiles que signifiantes. Au lieu d’être immédiatement prises et simplement utilisées pour ce qu’elles sont, elles indiquent autre chose qu’elles-mêmes. Non seulement pratiques et décoratives, mais encore révélatrices et parlantes, les choses racontent ma vie.
Les hommes mystifient donc les choses, ils les idéalisent et dématérialisent. Car elles comptent moins comme outils que comme effets involontaires ou symboles délibérés. Mes biens décrivent mon âme, esthète ou cérébrale, mélancolique ou fantaisiste, d’ascète ou de jouisseur. Mes présents disent aussi mes sentiments pour les autres, le degré de mon indifférence ou de ma générosité, de mon implication ou de ma culpabilité.
Bon gré mal gré on fait parler les choses. Plus grave que ces confessions sentimentales est l’espoir qu’on place en elles, l’attente secrète qui motive leur acquisition. Les choses sont signes car elles ne sont pas fins, mais moyens. Le désir des choses est moyen d’un autre désir, d’un désir plus puissant que celui du plaisir ou du confort.
Dans la société de consommation, notait Jean Baudrillard, les hommes attendent le bonheur des choses. Ils les possèdent dans l’espoir qu’il se dégage d’elles et se pose miraculeusement sur eux. Les choses ne satisfont pas en tant que telles, mais comme vecteurs rêvés d’une ’satisfaction virtuelle’. On dispose les choses autour de soi et on attend naïvement, ardemment que le bonheur se pose, qu’il vienne…
Le malheur des hommes est qu’ils attendent toujours le bonheur d’autre chose que d’eux-mêmes.