"Elles ne semblent jamais avoir de petits amis, mais elles se marient toujours. Certains hommes les regardent, sans en avoir l'air, et chacun d'eux sait que s'il a une fille comme ça chez lui, il dormira dans des draps bien blancs, mis à sécher sur des buissons de genévriers et repassés avec un fer très lourd. il sait que de jolis fleurs de papier décoreront le portrait de sa mère et qu'il y aura une grosse Bible dans l'entrée. Il se sent en sécurité. Il sait que ses vêtements de travail seront reprisés, lavés et repassés le lundi, que sa chemise du dimanche, blanche et amidonnée, se gonflera sur un cintre, accrochée au montant de la porte [...]
Mais l'homme ignore ces choses là. Il ne sait pas non plus qu'elle lui donnera son corps de façon restreinte et partielle. Il devra la pénétrer furtivement, en ne relevant sa chemise de nuit que jusqu'au nombril [...] Tandis qu'il bougera en elle, elle se demandera pourquoi on a pas placé les organes intimes mais nécessaires à un endroit plus commode - comme l'aisselle, par exemple, ou la paume de la main. Un endroit qu'on peut atteindre facilement, rapidement et sans qu'on ait à se déshabiller. [...]
Parfois, un être vivant éveillera son affection. Un chat, peut-être, qui aimera son ordre, sa précision et sa régularité; qui sera aussi propre et aussi calme qu'elle [...] Le chat saura toujours qu'il est le premier dans son affection. Même quand elle aura un enfant. Car elle en aura un effectivement - facilement et sans souffrir. Mais un seul. Qu'on appellera Junior.[...]
Elle s'appelait Geraldine. Elle a construit son nid, repassé des chemises, cultivé des giroflées en pot, joué avec le chat, et donné naissance à Louis Junior. Géraldine ne voulait pas que son bébé, Junior, pleure. Tant que ses besoins étaient physiques, elle pouvait y faire face - le confort et la faim. Il était brossé, baigné, huilé et chaussé. Geraldine ne lui parlait pas, ne gazouillait pas avec lui et ne se laissait pas aller à lui donner des rafales de baisers, mais elle veillait à ce que tous ses autres besoins soient satisfaits. L'enfant n'a pas mis lontemps à découvrir la différence dans le comportement de sa mère envers lui et et envers le chat. En grandissant, il a appris à diriger la haine qu'il éprouvait pour sa mère sur le chat et il a passé des moments délicieux à le regarder souffrir. Le chat a survécu parce que Geraldine était rarement absente de la maison et elle pouvait consoler l'animal quand Junior l'avait maltraité." [...]
Toni Morrison, un très bel auteur à consommer sans modération.
Le choix de ce texte et de son auteur n'est pas l'effet du hasard. Il s'insère dans l'actualité, avec la désignation de Barack Obama comme "homme de l'année" et le discours très "volontariste" de Sarkozy sur la diversité . Gardons en mémoire que les extraits proposés ont été écrits par Toni Morisson dans les années 70; ils ne sont donc qu'une illustration "artistique" du sujet et ne sauraient affirmer une position personnelle.
Cette "facétie", présenter un texte remémoré par une actualité, pourrait devenir une nouvelle rubrique du blog : "Le roman de la vie". Dans ce blog interactif et "polyphonique" vous pourrez m'indiquer ainsi, la référence de beaux textes "illustratifs"
Obama nommé personnalité de l'année par "Time" devant Sarkozy L'oeil le plus bleuShare this article
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