Mercredi 10 décembre 2008, Tours : un 60e anniversaire au-dessus de tous soupçons

Il y a différentes manières de fêter un anniversaire aussi important que celui de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Beaucoup d’Institutions ont organisé des colloques. Certaines personnalités qui étaient présentes lors de la signature – elles sont peu nombreuses bien entendu – ont souligné la fragilité d’une telle Déclaration et la nécessité de la transmettre aux plus jeunes dans son intégralité et ses exigences. 

Les Nations Unis ont mis en place un site web de grande qualité indiquant qu’il en existe 360 versions linguistiques, tandis que l’association Art for the World a préparé une série de films qui font plus que mettre en avant des bons sentiments. En tout cas celui de Marina Abramovic est un vrai trésor pour un cadre aussi imposé. Tout comme celui de Bram Schouw présenté sur le site de Rue89. Et je dois reconnaître que parmi les choix d’événements culturels que le Conseil de l’Europe a décidé de labelliser pour remplacer en partie les grandes expositions d’art, cette production de films courts est très séduisante.De nombreux journaux et magazines ont produit des dossiers qui permettent de faire le tour de la question, comme c’est le cas pour Le Soir, par exemple.

Par contre, le Ministre français des Affaires Etrangères Bernard Kouchner a manqué une occasion de se taire en mettant – pour un moment de pur plaisir macho ? – dans le plus grand embarras sa secrétaire d’Etat qui n’en pouvait mais et qu’on a vu au bord des larmes. Exception française d’oser dire qu’un secrétariat d’état aux Droits de l’Homme est une erreur ? Est-ce que ce ministre là dont les engagements antérieurs sont certainement admirables, ne se venge pas à bon compte de ses propres contradictions ? 

Ceci dit, parmi les itinéraires culturels, c’est l’itinéraire saint Martin qui a une fois de plus décidé de marquer l’anniversaire en ouvrant officiellement le concept de partage citoyen et en réunissant ses partenaires luxembourgeois (notre Institut), croate, slovène, italiens (ils sont plusieurs) et néerlandais, sans oublier les amis corses de Patrimonio.

Le soir du 10 décembre dans le cloître de La Psalette, une plaque a été dévoilée pour garder trace de l’événement. 

« Le partage citoyen », c’est la prise de conscience au XXIe siècle de l’absolue nécessité de partager l’eau, l’air, l’environnement, les savoirs, les cultures, l’accès à la santé, à l’éducation…Le Centre Culturel Européen saint Martin de Tours souhaite inscrire le « Partage citoyen » dans l’évolution des Droits de l’Homme vers les Devoirs de l’Humanité. En effet, la mondialisation nous amène à prendre conscience que nous sommes aujourd’hui tous interdépendants, et qu’il existe une urgence à apprendre à partager afin de préserver l’humanité. » déclarait Antoine Selosse, tandis que Jean Marie Pelt faisait lire un très beau texte sur l’équilibre biologique menacé de la planète.

Devoir de l’Humanité et devoir d’ingérence, n’est-ce pas Monsieur le Ministre ?

Puis-je simplement dire que cette Déclaration, venue en droite ligne de celle de 1789, conduit une année après, à la fondation du Conseil de l’Europe et à la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui, en dehors d’être justiciable par une Cour Européenne, reste essentielle pour le développement d’itinéraires culturels qui choisissent tous de valoriser ces droits là. 

Et de surcroît, je voudrais ajouter que cette série de principes universels et indivisibles sont menacés de perdre aujourd’hui leur universalité, justement, sur la base de la justification communautaire ! Et que, plus encore, la menace de remise en question des valeurs vient directement d’une crise économique qui veut revenir sur des droits fondamentaux, sous prétexte que c’est la limitation du travail sauvage et du temps de travail, le renforcement des droits égalitaires entre hommes et femmes, la protection des enfants…qui sont des menaces au libéralisme sans lequel nous ne saurions rebondir.

On croit rêver !Mais enfin, mesdames et messieurs, la partie est finie. Ce paradigme du libéralisme sans droits est mort. Il s’est empoisonné. 

Prendre la figure de saint Martin comme base de réflexion sur la crise même du partage et sur celle de la citoyenneté européenne hésitante, suivre l’histoire des migrations pour parler de l’accueil, qui est d’abord une forme de partage à l’épreuve du racisme, parcourir les chemins de pèlerinage pour éprouver la réalité de la rencontre, ou suivre l’évolution du tourisme en revenant à la lecture de ses fondements sociaux, sont des démarches de ré enchantement de Droits de l’Homme que l’on a regardé trop souvent de travers, en les considérant comme acquis, alors qu’il fallait les renforcer à chaque instant. 

Le partage, c’est donc bien aussi le respect du droit des autres, même dans la lutte contre le pire fléau, le terrorisme. Robert Badinter, parlant entre autres de la politique des Etats-Unis à ce sujet déclare sans ambages : « Nous avons renié ce que nous prétendons défendre, et nous en supporterons longtemps les conséquences ».

Tant mieux alors si se sont ouverts aujourd’hui à Tours les prémices d’un droit “opposable” au partage citoyen !

Photographie : Antoine Selosse (de dos) et Bruno Judic devant la plaque du Partage citoyen.