En accord avec Nicolas Sarkozy, Xavier Darcos a décalé son calendrier de mise
en œuvre de sa réforme des Lycées. Quelles sont les raisons profondes de ce
qu’il faut bien appeler une reculade ?
Alain Duhamel en a l’interprétation suivante, je la cite parce qu’elle
correspond parfaitement à mon propre ressentis : « Ce qui s'est
passé, c'est qu'il y a eu une évaluation qui a été faite par Nicolas Sarkozy
des risques qui étaient encourus à un moment donné, et qu'ils ont décidé
ensuite qu'il fallait changer d'avis. »
« …, on est dans une période terriblement anxiogène, on le sait bien,
on voyait très bien des lycéens, je ne dirais pas les lycéens, mais des lycéens
qui étaient mobilisés, on voyait des petits groupes violents qui
n'appartenaient pas aux établissements et qui passaient d'un endroit à un autre
avec des risques qui étaient encourus, notamment par les lycéens d'ailleurs. On
voyait le corps enseignant, les syndicats qui avaient donné le sentiment qu'ils
tenaient enfin leur revanche contre ce ministre qui leur en avait fait voir de
toutes les couleurs. Et donc il y avait un risque d'embrasement. Le
gouvernement a préféré manger son chapeau, un chapeau c'est indigeste, mais
c'est mieux qu'un embrasement … »
Si je résume l’explication d’Alain Duhamel à laquelle j’adhère, Sarkozy a eu
la pétoche !
Comment peut-on accepter de céder devant une telle pression : la peur
de l’embrasement !
Est-ce cela la démocratie ?
Les élèves et étudiants bénéficient du système éducatif financé, organisé,
géré par la collectivité française.
Si celle-ci, via ses représentants démocratiquement élus, souhaite la
réformer, la faire évoluer, de quel droit ses bénéficiaires tout à fait
provisoires imposeraient-ils leur avis sur le sujet ?
D’autant plus qu’à les écouter (du moins ceux qui sont interrogés par les télés
ou les radios), leur avis me parait assez sommaire. Quand ce ne sont pas des
slogans nécessairement rudimentaires, ils récitent un argumentaire au sein
duquel semblent se mêler des semi-vérités, des contre-vérités, des suppositions
et des jugements arbitraires sur les effets de la réforme.
D’ailleurs, il me semble qu’il n’y a rien d’étonnant à cela, car sauf à
faire dans le jeunisme naïf ou intéressé, à ces âges on peut difficilement leur
demander d’avoir toutes les clés qui leurs permettraient d’avoir une réflexion
construite sur les sujets qui touchent au fonctionnement de la
collectivité.
De toute façon, il ne s’agit pas de juger du fond de la réforme, de son bien
fondé ou non mais de la légitimé des lycéens à faire grève et à plus forte
raison à occuper un lycée, de leur légitimité à s’exprimer de manière aussi
violente, de leur légitimité à être considéré comme un interlocuteur
responsable, de leur légitimité à influer sur les décisions du Gouvernement
!
Evidemment, de fins observateurs de la société nous diront que les jeunes
expriment, à travers ces mouvements, leur inquiétude face au triste avenir que
nous les adultes (et spécialement les adultes de Droite) sommes en train de
leur réserver. Ils nous diront que ces jeunes marquent leur révolte face à
l’injustice toujours croissante, face à la précarité, face au chômage, face aux
expulsions des sans papiers ….je ne suis pas certain que les motivations
profondes de ces lycéens s’appuient sur d’aussi beaux sentiments même si c'est
probablement le cas pour certains d’entre eux.
Reconnaissons, qu’à cet âge, il est sain de se révolter devant la misère du
Monde, plus tard on trouve toujours de bonne raison pour ne plus s’émouvoir.
Cependant, il faut admettre que marquer sa révolte d’adolescent, considérons la
comme telle, est d’autant plus facile lorsqu’on a aucune responsabilité à
assumer, lorsqu’on n’a pas de réelles propositions à faire face à la situation
tant décriée, lorsque la grève ne signifie pas moins de salaire mais au
contraire moins de cours ou lorsque le mouvement est l’occasion de mettre un
petit peu d’excitation dans une année scolaire tristounette !
Pour reprendre ce que j’ai écrit dans un précédent billet à l’époque de la
réforme des Université contre laquelle des lycéens se sont aussi « battus
», par peur de se faire traiter de vieux con ou de réactionnaire, personne
n’ose leur apporter la contradiction ou contester la validité de leur
mouvement. Au contraire, les seuls qui s’expriment le font pour vanter
« l’extraordinaire sens de la solidarité et de la responsabilité de ces
jeunes qui luttent pour un avenir meilleur…. » (Véridique)….il faudrait
quand même arrêter de faire croire à ces jeunes que l’avenir se construit à
coup de contestation systématique et de faux bons sentiments !
Evidemment, l’opposition et les professeurs contestataires de la réforme,
ont tout intérêt à monter en épingle, à entretenir sinon à provoquer ce
mouvement. Ils ont tout intérêt à lui attribuer beaucoup plus de signification
qu’il n’en a !
Benoit Hamon ne cherche rien d’autre lorsqu’il dit sur France 2 :
«Quand on ajoute le travail le dimanche, la retraite à 70 ans à une situation
déjà extrêmement explosive tant dans le public que dans le privé, chez les
jeunes comme chez les moins jeunes, on a une situation de poudrière sociale
évidente»…
Tous ceux qui font un parallèle injustifié avec les évènements en Grèce en
font autant ! Ils crient au feu au feu tout en ajoutant de l’huile sur ce
feu ! (sur les raisons des évènements en Grèce voir cet
article repris sur le très bon blog de l’Hérétique )
Malheureusement ça a marché, le Gouvernement a reculé pour la pire des
raisons, devant la menace de l'allumette brandie par des gamins manipulés. En
cédant, le gouvernement n’a fait que les conforter dans leur sentiment que
cette réforme était mauvaise et surtout que rien ne peut se faire sans leur
accord !
…contrairement à ce que prétendent certaines bonnes âmes, la démocratie n’en
sort pas grandie !