Mot de l'éditeur :
Les enfants aujourd’hui ne s’en laissent pas conter, mais ce sont néanmoins des enfants, avec leurs angoisses, leur naïveté, leurs interrogations, leurs espoirs. Ces histoires, souvent cocasses et drôles, leur ouvrent une fenêtre poétique et parfois philosophique sur le monde. Au fil des pages, on croise des fées maladroites, des balayeuses de soucis, des chasseurs de cauchemars, des fillettes qui inventent des vaccins pour rendre les gens heureux, et d’autres personnages pleins de tendresse.
Toujours avec pudeur et émotion, Philippe Claudel aborde, grâce à eux, des sujets graves ou tabous, comme la maltraitance, la maladie, la guerre, la mort, la différence, mais aussi tout simplement ces petites peurs ou ces complexes que l’on doit vaincre pour devenir grand. Ces histoires à partager en famille sont une invitation au dialogue, au débat avec les adultes une fois le livre refermé car les grandes personnes oublient trop facilement les enfants qu’elles ont été, et leur responsabilité à l’égard des générations à venir. De superbes illustrations de Pierre Koppe accompagnent ce livre touchant et poétique, pour petits et grands.
Une jolie lecture que ces nouvelles, pleines de poésie et d'humour, parfois un peu tristes ou amères, mais toutes empreintes d'une grande tendresse avec à chaque fois sujet à réflexion ou discussion (dont certains tout à fait d'actualité : guerre, pauvreté, violence psychologique...). Je me suis régalée de ces courtes histoires, et j'ai eu la joie de retrouver Philippe Claudel, auteur que j'aime énormément (et qui confirme bien son talent : ces nouvelles sont très éloignées des livres qu'on lui connaît : La petite fille de Monsieur Linh, Les âmes grises, Le rapport de Brodeck, mais le style comme toujours est parfait, et beau. Ses histoires regorgent de métaphores, d'allitérations et de rimes ou jeux de mots, et bien que le vocabulaire reste simple et à la portée des enfants, on le sent choisi avec tout le soin et le talent de l'auteur). Les illustrations, telles des dessins naïfs d'enfants, participent à la beauté de l'ensemble.
Je me suis ensuite empressée de les lire à mes enfants, qui ont beaucoup aimé, notamment Le monde sans les enfants (en me menaçant de faire pareille que les enfants de l'histoire et de disparaître si je ne devenais pas une maman exemplaire...), ainsi que Le petit garçon qui entrait dans les livres. Mais toutes ces histoires sont jolies et toutes m'ont touchée ou amusée et tout l'art de ce livre est d'être destiné autant aux enfants qu'à leurs parents (d'autant plus s'ils sont, comme moi, restés de grands enfants !). Le résultat est savoureux, nous découvrons au fil des pages un poème, une fable, un conte... avec dans chacun des personnages les attractions et les terreurs ancestrales, mais modernisées en quelque sorte : les fées deviennent "has-been", les chasseurs de cauchemars sont au chômage, les grands-pères racontent des histoires ringardes, les cahiers ont une vie propre et ressentent des émotions, les enfants abandonnent leurs parents... Le monde est à l'envers, sans les enfants !
Quelques extraits, en vrac :
"Un beau matin, ou plutôt, un sale matin, oui, oui, un vraiment sale matin, quand les hommes ouvrirent l'oeil, ils se rendirent compte qu'il se passait quelque chose de bizarre. Pas de bruits. Pas de rires. Pas de gazouillis. Rien du tout : les enfants avaient disparu ! Quand je dis les enfants, je veux dire tous les enfants, partout dans le monde, dans tous les pays, dans toutes les villes, dans toutes les campagnes. On eut beau chercher, bien fouiller, mobiliser les pompiers, la police, les militaires, on ne trouva pas un seul enfant. La seule chose sur laquelle on mit la main, ce fut un morceau de papier un peu froissé où une très petite écriture malhabile, pleine de fautes d'orthographe, avait noté le message suivant : « On se fée tout le tems disputer, on ne nous écoutent jamais, on ne peux pas rigolé quand on veux, on doit se coucher trop taux, on ne peut pas mangé de chocollat au lit, il fôt toujours qu'on se brosse les dents : on en a assez des grands : on s'en vat. On vous lesse !" Et c'était signé : "Les zenfants."
"Ce jour-là comme d'habitude il avait voulu jouer avec les autres, mais une fois encore les autres l'avaient chassé. Alors Lucas s'était assis sur le banc, en dessous du marronnier, tout penaud. Les larmes lui venaient aux yeux.
La maîtresse s'en était rendu compte et s'était approchée de lui. "Tiens, avait-elle dit, tu ne seras plus jamais seul." et elle lui avait tendu un livre. Lucas l'avait pris, ouvert, avait lu le premier mot, la première phrase et soudain pfffttt, il avait été comme aspiré ! Il était entré dans le livre, d'un coup, comme s'il avait plongé sur un toboggan qui n'en finissait pas."
Je recopie aussi pour vous la quatrième de couverture, que je trouve aussi jolie que les histoires qu'elle accompagne :
Vingt histoires, à dévorer, à murmurer, à partager Vingt manières de rire et de s'émouvoir.
Vingt prétextes pour penser à ce que l'on oublie et pour voir ce que l'on cache.
Vingt chemins pour aller du plus léger au plus sérieux, du plus grave au plus doux.
Vingt façons de se souvenir de ce qu'on a été et de rêver à ce que l'on sera.
Vingt regards pour saisir le monde, dans sa lumière et dans ses ombres.
Vingt raisons de rester des enfants ou de le redevenir.
Vingt sourires.
Vingt bonheurs.
Vingt battements de cœur.
Interview de l'auteur. Fantasio l'a lu et l'a également beaucoup aimé.
A offrir pour Noël !