Quand j’écris héros pour Kurt Wallander, je ne parle pas du héros hollywoodien, mais d’un inspecteur âgé d’une cinquantaine d’années, usé par son métier, sa solitude et la tournure que prend la société. Car derrière l’intrigue policière sourd le constat désabusé de l’Etat Suédois qui n’est plus ce modèle social tant vanté il y a encore vingt ans. Le lecteur pourra d’ailleurs appliquer la grille de lecture à son propre pays. C’est le premier roman d’Henning Mankell que je lis (paru en 1997) et le début m’a paru très lent et pesant puis, au fil des pages c’est justement cette histoire au ralenti qui fait tout le charme de l’écrivain et colle parfaitement à la personnalité de Wallander. Les cafés renversés sur la chemise déjà sale, les nuits sans sommeil, le sandwich avalé à la va-vite, le diabète révélé, l’enquête qui piétine, les idées qui se brouillent quand la solution est si proche…
La nuit de la Saint-Jean trois jeunes gens sont abattus dans une forêt, un inspecteur est tué chez lui, puis ce sera le tour de deux jeunes mariés. Un tueur en série aussi mystérieux qu’insaisissable sévit et Kurt Wallander n’y comprend rien.
« L’espace d’un instant Wallander éprouva une gigantesque amertume. Il avait été policier toute sa vie. Il pensait avoir contribué à protéger ses concitoyens. Mais tout avait empiré autour de lui. La violence avait augmenté. La Suède était devenue un pays où les portes fermées devenaient de plus en plus nombreuses. Parfois, il pensait à son trousseau de clés. D’année en année, le nombre de clé augmentait. De plus en plus de serrures, de plus en plus de codes d’accès. Et au milieu de toutes ces clés, une nouvelle société émergeait, à laquelle il se sentait de plus en plus étranger. »
Henning Mankell Les morts de la Saint-Jean chez Points