Dauphins et baleines
Mammifère étrange et méconnu, le dauphin d’eau douce compte cinq sous-espèces, dont trois sur le continent asiatique. Pour l’une d’entre elles, le dauphin du Yang-Tsé, il est d’ores et déjà trop tard. Souhaitons que ses cousins indiens ne subissent pas le même sort, de même que la baleine bleue, véritable titan des mers dont la survie est aujourd’hui menacée. Notre inquiétant tour d’Asie à la recherche des espèces en péril* s’offre un détour aquatique…
© www.lifeinthefastlane.ca
Les dauphins du Gange et du Yang-Tsé
Ces mammifères singuliers fréquentent uniquement les eaux douces. Le dauphin du Gange est également connu sous le nom de « Susu » ou « Bhulan », tandis que son cousin chinois est aussi dénommé « Baiji ». Tous deux mesurent plus de deux mètres, et peuvent atteindre 2,50 mètres. Hôte des grands fleuves indiens, le premier peuplent donc le Gange, une sous-espèce étant présente dans les eaux de l’Indus. Tous ces dauphins d’eau douce ont en commun un long bec effilé et un sonar très performant, qui compense leur vue limitée, un très long rostre armé de petites dents, de larges nageoires pectorales très flexibles, et une grande souplesse la colonne vertébrale. Ils recherchent leurs proies par écholocation.
Le dauphin de Chine a été officiellement déclaré comme espèce éteinte en août 2007. Il était pourtant protégé depuis 1975. Malheureusement, la population a été décimée par les filets de pêche, la pollution et le trafic fluvial.
© Nick Gordon / www.osfimages.com
Menaces
Ces dauphins de rivière doivent faire face à de nombreuses menaces : surpêche, barrages, collisions avec les bateaux, pollution de l’eau, bruits de moteurs et même chasse illégale, puisque sa chair prisée est utilisée par la médecine chinoise traditionnelle. Le baiji à la peau claire était un animal mythique : le dieu du fleuve bleu. C’est pourquoi «The Independent », prestigieux quotidien britannique, titra le 8 août 2007 qu’’une partie de l’âme chinoise s’en était allée ». Ainsi que l’explique le journaliste Clifford Coonan à Pékin, le dauphin blanc de Chine, parcourant pendant des millions d’années les eaux des plus longues rivières chinoises, était surnommé « la Déesse du Yang-Tsé ». Sa réputation vient de la légende selon laquelle cet animal ne serait autre qu’une princesse ayant refusé de se marier à un homme qu’elle n’aimait pas, et qui fut donc exclue de la famille par son père. Le baiji tentait de survivre dans des eaux polluées par les déchets de toutes sortes, aidées de son seul sonar au fonctionnement perturbé par le trafic fluvial trop dense.
____________________________________________________
© D.R.
Le rorqual
Avec ses parfois plus de trente mètres et ses près de 200 tonnes, le rorqual bleu peut s’enorgueillir d’être le plus gros animal ayant jamais vécu sur terre. Cétacé appartenant à la sous-famille des mysticètes (les baleines à fanons, par opposition aux odontocètes pourvus de dents), il se nourrit de krill et de plancton. Les origines de la chasse baleinière remonteraient aux environs de 1500 ans avant JC. Depuis 1975, celle-ci est devenue commerciale, et emmenée par deux nations, le Japon et la Norvège, qui continuent d'exploiter commercialement les baleines. Il s’avère cependant qu’elles ne respectent pas toujours les moratoires en vigueur.
En effet, certaines eaux ont été déclarées zones sanctuaires, et la chasse y a tout de même lieu. Ce sanctuaire est reconnu par la convention des Nations Unies sur les droits de la mer, qui n’est pas respectée par le Japon. Le texte précise pourtant que tous les pays doivent coopérer et respecter les résolutions adoptées en faveur de la protection des baleines.
© Doc White / naturepl.com
Menaces
De nos jours, à part quelques communautés telles que les Inuits d’Alaska, chassant les cétacés pour des raisons de subsistance, seuls trois pays continuent à pratiquer la chasse à la baleine : le Japon, la Norvège et l’Islande. Tous trois le font pour la viande de baleine qui est destinée à la consommation humaine. Le premier représente certainement le principal marché pour ce type de produits. Le Japon et l’Islande sont les seuls pays à continuer massivement la chasse aux grands cétacés, sous couvert d’arguments bien hypocrites : la science a été la seule réponse du Japon lorsqu’il a repris les campagnes de chasse en 1987. Une science obsolète, si l’on en croit Susan Lieberman, une responsable du WWF, qui écrit : « il est incroyable que ce pays, parmi les plus en pointe dans le domaine technologique, continue à tuer environ 650 baleines par an, en utilisant des techniques des années 1940 au 21ème siècle ! »
La question posée par le WWF est la suivante : avons-nous besoin de tuer des baleines pour en apprendre davantage sur leur biologie ? Car comble de l’ironie, les sciences et technologies ont tant progressé ces dernières années qu’il n’est plus nécessaire d’abattre des animaux pour les étudier ! Et bien sûr, les Japonais, avant d’être passionnés par l’étude des mammifères marins, sont avant tout des consommateurs de viande de baleine. Pourquoi les tuer ? Les arguments : pour accéder facilement au contenu de leur estomac et évaluer leur régime alimentaire, déterminer leur sexe et leur mode de reproduction, etc. Mais surtout pour les empêcher de réduire les stocks de poissons qui s’effondrent !
À cela, l’organisation internationale répond d’abord qu’aucune des études japonaises ne pourrait être publié dans une revue scientifique, les données obtenues sur des cadavres n’étant pas suffisamment fiables face aux informations récoltées via l’ADN.
De fait, la génétique permet désormais de comprendre la structure des populations, l’évolution des espèces, la détermination du sexe et les liens de parenté. Une simple biopsie suffit pour suivre le régime alimentaire à long terme (étude des graisses). Elle permet en outre d’étudier la toxicologie des tissus, en somme, d’évaluer la santé des animaux ! Quant à l’argument de l’appauvrissement des mers en termes de ressources halieutiques, les baleines, qui consomment surtout du plancton, ne peuvent être tenues pour responsables de la situation.
Figurant en annexe I de la CITES**, les baleines bleues représentent moins de 1 % de leur nombre d'origine, malgré 40 ans de complète protection. Elles sont actuellement menacées par la pollution et la diminution de leurs sources alimentaires. À cause du changement climatique et de la surpêche, le krill est beaucoup moins abondant. De surcroît, les sonars à basse fréquence utilisés par les navires les empêchent de communiquer correctement entre elles. De plus, la viande et la graisse de baleine sont contaminées par une toxine industrielle, que l'on retrouve dans les imperméabilisants, les répulsifs anti-graisse pour textiles, certains papiers et les mousses anti-incendie. Les scientifiques voient là le signe de la multiplication des pollutions industrielles en mer, et craignent une généralisation de ces contaminations à de nombreuses espèces. La mère contamine son bébé par le lait contenant ces toxines.
Chauve-Souris
* Découvrez les autres espèces asiatiques animales menacées
** Pour plus d’informations, se reporter au premier article