Paris, le 17 décembre 2008 – Alors que les députés du Parlement européen viennent d’adopter l’ensemble du plan de lutte contre les changements climatiques, Greenpeace dresse un bilan – très décevant – de la présidence française de l’Europe.
« En adoptant un paquet climat/énergie au rabais, l’Europe joue avec le feu. Elle vient de manquer une occasion historique de redessiner son avenir économique et énergétique, et de réaffirmer son statut international de leader en matière de lutte contre les changements climatiques, déclare Karine Gavand, responsable de la campagne Climat de Greenpeace France. Nicolas Sarkozy, dont la présidence du Conseil de l’Europe s’achève, porte une lourde responsabilité. »
La responsabilité de la France
Au lieu de porter haut et fort l’intérêt collectif et les impératifs climatiques, le Président français a laissé les États européens s’engluer dans la défense de leurs intérêts nationaux de court terme. « Droits à polluer gratuits pour les centrales à charbon polonaises, grammes de CO2 offerts en bonus aux constructeurs automobiles allemands, possibilité pour chaque État d’aller acheter des crédits d’émissions de CO2 hors d’Europe : avec Nicolas Sarkozy à la tête de l’Union, c’était Noël tous les jours pour les industries les plus polluantes ! », explique Karine Gavand.
L’ère du « 3×4 »…
Les objectifs que les chefs d’État avaient fixés à l’Europe en mars 2007 ne sont plus respectés que sur le papier. Les nombreuses exceptions et autres facilités accordées tous azimuts sabordent le credo européen des « 3×20 » (-20 % d’émissions par rapport à 1990, grâce à +20 % de renouvelables, et 20 % d’économies d’énergies d’ici à 2020). Le paquet climat/énergie adopté aujourd’hui par le Parlement européen inaugure l’ère du « 3×4 » :
- 4 % de réduction des émissions sur le territoire européen entre aujourd’hui et 2020 : l’Europe a déjà réduit de 8 % ses émissions par rapport à 1990. Reste donc 12 %. Or, deux tiers des réductions pouvant se faire grâce la « compensation », dans les pays en développement, l’effort sur le territoire européen se réduit à 4 %. Adieu le virage énergétique et l’exemplarité de l’Europe…
- 4 % seulement des émissions du secteur industriel concernées par la mise aux enchères des permis de polluer (au lieu de 100 %). Cet abandon du principe du pollueur/payeur va faire fondre le revenu de la mise aux enchères censé financer la transition énergétique en Europe et l’aide aux pays en développement…
- + 4°C d’augmentation des températures globales d’ici à la fin de ce siècle.
L’avertissement des scientifiques du Giec est pourtant clair : pour éviter un réchauffement au-delà de 2°C, les pays industrialisés doivent se fixer une fourchette de réduction de leurs propres émissions de 25 à 40 % d’ici à 2020, avec comme objectif de passer à 80 % d’ici à 2050. « Voilà pourquoi nous avons demandé à l’Europe de montrer l’exemple de s’engager aujourd’hui à réduire ses émissions de 30 %, rappelle Karine Gavand. Qu’en est-il avec ce paquet climat/énergie ? Il est si peu ambitieux que si tous les pays industrialisés adoptaient les mêmes contraintes, les températures pourraient augmenter de 4°C d’ici la fin du siècle. »
Réussite sur le plan de la communication, échec environnemental, social et économique
Depuis des semaines, les décideurs européens, les français en tête, communiquent à tour de bras pour dire à quel point les discussions seront difficiles, la négociation ardue, le veto toujours possible… « Résultat : tout le monde aujourd’hui se gargarise parce qu’un texte a été adopté, et personne ne regarde dans le détail ce que ce texte implique, regrette Karine Gavand. Les parlementaires européens n’ont pas mieux agi. Censés défendre les intérêts des citoyens, ils se sont pourtant eux aussi rangés dans le camp des industries polluantes. C’est un revers pour le climat, pour l’économie et pour la démocratie. »