"Brutalement réveillé, en sueur, mal à l'aise, il se demanda d'où provenaient les cris qu'il entendait. Un crime était peut-être en train de se commettre, presque sous ses yeux. Meurtre à Juilly. Il pourrait faire un tabac avec ça. Tous les ingrédients étaient réunis. Deux maisons de campagne, côte à côte, dans un lieu-dit désert. Une ex-belle mère, atteinte d'une Alzheimer, dont les filles guignaient peut-être l'héritage. Une jolie voisine en peignoir avec un homme (son mari, son amant ?) qui l'attendait dans sa chambre et manifestait sa jalousie en lui criant de le rejoindre. Un autre couple qui arrivait dans la matinée, pour les surprendre en flagrant délit d'adultère.
Au final, le coupable serait forcément lui, l'écrivain solitaire et cynique, prêt à n'importe quelle mauvaise action pour se remplir les poches d'un petit peu d'argent frais. Pourtant, si un assassinat avait bien eu lieu, à quelques mètres de sa chambre, ce n'était certainement pas de son fait. Il avait un alibi.
"Je dormais à poings fermés, monsieur l'inspecteur, ce sont les cris de la victime qui m'ont réveillé. Il était environ-il consulta sa montre-onze heures trente. Mon petit Jean-Maurice, tu lis trop de romans policiers. Ou bien ce sont tous ces Agatha Christie dans la bibliothèque qui te seront montés à la tête. Bon, maintenant que je suis réveillé, autant aller voir ce qui se passe."
Il se résolut à quitter son lit dont le matelas était trop dur. Descendit en vitesse le grand escalier de chêne ciré et ouvrit la porte d'entrée pour se retrouver dans le jardin. Le ciel s'était à nouveau voilé. Un vent frisqué soufflait sur les branches. Le printemps se faisait attendre. Fichu pays. Deux hommes couraient sur la pelouse en direction des cris."