S'occupant de communication, elle voit retoquer son projet de loi Hadopi sur la propriété artistique par la Commission européenne qui, par son amendement 138 voté à 85% le 24 septembre 2008, rappelle le caractère public de l'accès à l'art et interdit toute suspension de fourniture d'internet.
Elle avait derrière elle les plus gros vendeurs du show-bizz, et contre elle tout ce que la France compte de bibliothécaires, d'archivistes, de conservateurs de patrimoine et de passionnés d'œuvres d'art. Une sorte de choc des cultures très révélateur.
Ce matin, interrogée par France-Info sur l'autorisation (votée cette nuit) d'une seconde coupure publicitaire dans les films diffusés sur les chaînes privées, trouve que « c'est très bien que, même au prix d'une seconde coupure, on puisse voir des Fellini ou des Visconti sur TF1 ».
N'oublions pas que TF1, baptisée télé-sarko dans les agences de presse, est aussi ce phare de la culture auquel on doit entre autres:
Koh Lanta, L'île de la tentation, les deux émissions de Cauet, Miss France, Vidéo gag, Star Academy, le juge est une femme, Josephine ange gardien, Les feux de l'amour, Preuve à l'appui, Que du bonheur, Sœur Thérèse.com, C'est quoi l'amour, Confessions intimes, Sans aucun doute, Téléshopping, Télévitrine, La roue de la fortune, et quelques autres, je ne veux pas vous fatiguer.
Et pourquoi Fellini et Visconti? Madame la Ministre paraît plus fellinienne que la plus fellinienne donna du maître en imaginant que l'audimat auquel TF1 se cramponne comme un morpion va bondir de joie si d'aventure un film d'art se pointe entre Koh Lanta et une course de formule 1. Parce que si TF1 obtient presque tous les jours le meilleur audimat, vous imaginez bien que ce n'est pas le fait du hasard mais bel et bien la réussite d'une politique.
Pour ma part, j'ai pu revoir le Crépuscule des dieux de Visconti il y a peu de temps... sur Arte, où il me semblait plus à sa place.
Depuis des années, des chaînes comme TF1 se façonnent leur téléspectateur sur mesure. Patrick LeLay, son PDG, disait d'ailleurs le 14 septembre 2004: « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ».
Ce qui sous-entend que, pour obtenir cette disponibilité, il faut que l'émission saucissonnée n'ait pas entraîné trop loin les pensées du cobaye, ne l'ait pas bercé de sirènes artistiques trop entraînantes, ne l'ait pas emmené dans un univers philosophique ou onirique assez prenant pour le faire ensuite survoler Coca Cola à trop haute altitude.
Outre le crime culturel qui consiste à saucissonner un film d'art, il y a cette arrogance avec laquelle le pouvoir imagine que le public, le « vulgum », va prendre pour argent comptant tout ce qu'il aura labellisé.
Eh bien non, il faudrait des années pour ramener à la sensibilité culturelle un public que l'on a scientifiquement abruti pour le rendre « disponible à la publicité » -voire à la propagande-, et on ne fera pas venir sur TF1, sauf exception quasiment accidentelle, les gens qui choisissent l'émission qu'ils veulent regarder avant d'allumer leur téléviseur.
Fellini: La Strada