Aussi inclassable que la réalisatrice, Les Plages d'Agnès est une sorte de "documenteur" iconoclaste, pour faire un clin d'oeil à l'un de ses précédents films. Plein de fantaisie, d'émotion, de poésie. Au début du film, elle pose toutes sortes de miroirs sur une plage, lesquels renvoient des images de mer, quand l'écume ne finit pas par les recouvrir. C'est à l'image de Varda, jamais là où on l'attend, femme excentrique à l'inusable coupe au bol (parfois bicolore), tantôt espiègle, tantôt submergée par l'écume de ses souvenirs et de ses peines. Celui de Jacques Demy, son compagnon, omniprésent dans le film, et des personnages hors du commun, connus ou pas, qu'elle a eu la chance de cotoyer : Bachelard, Vilar, Jim Morrisson, Andy Warhol… A la fin du film, elle délocalise les bureaux de sa maison de production sur une plage improvisée rue Daguerre, à Paris, et c'est d'une grande drôlerie.
La dernière fois que je suis tombée amoureuse, il y a précisément 7 ans 1/2, j'étais justement allongée sur une plage, face à Noirmoutier, dont j'aime distinguer les contours, toujours flous à cette distance : la forme triangulaire du pont, minuscule, sur la gauche, la masse verte du petit bois de la Chaise, sur la droite. Et, en un lieu indéfini, le Gois, cette chaussée magique, recouverte et découverte par la mer selon les caprices de la Lune. Des voitures s'y font piéger chaque année, surprises par les flots qui feront d'elles des épaves improbables et dérisoires, sans autre trésor qu'une boîte à gants. C'est assez rare aux Studios, mais les spectateurs ont applaudi, ce soir. Avant d'enfiler leurs gants.
Photo : Philippe sur le Gois.