Théâtre sans animaux… ainsi s’intitulent huit courtes "pièces facétieuses" de Jean-Michel Ribes. Sans animaux ? pas sûr. Du coiffeur qui rêve d’être goéland aux visiteurs de musée nostalgiques devant notre ancêtre la carpe, du frère qui a tout appris dans les livres sur les sentiments au descendant d’un Bob violeur de président des USA qui se sent pris de pulsions sadiques quand le nom de son ancêtre est employé, on se retrouve dans ces pièces en bien étrange compagnie.
Qu’est-ce qui fait l’homme, nous demandent ces petites comédies ? Peut-on finir par devenir plus intelligent que son frère ? Qu’est-ce qui pousse les hommes à marcher, à conduire, à sortir les vaches ou à stocker des hydrocarbures ? Peut-on encore avoir une révélation mystique ?
Ces scènes décalées louchent du côté d’Ionesco, les élucubrations métaphysiques répondant par exemple aux conseils terre-à-terre du coiffeur auquel un client confie ses questionnements en même temps que ses cheveux. Le gigantesque stylo-bille planté dans un salon en guise d’embarras métaphysique évoque le cadavre dont l’Amédée d’Ionesco n’arrive pas à se débarrasser, et la recherche du nom véritable de la jeune « Monique », dont la mère ne s’appelle pas Nathalie mais Yolande, comme toutes les femmes de sa famille, rappelle la famille des Bobby Watson morts ou pas, hommes ou femmes, du début de la Cantatrice Chauve. Comme chez Nathalie Sarraute aussi, le langage et ses nuances sont souvent mis en question : impossible de savoir comment nommer « Monique » et plus encore son ami qui, lui, devrait peut-être bien porter le nom de Monique… Et de quels sens est riche le mot « bravo » que la sœur d’une tragédienne recommande à son mari de prononcer, pour remercier ladite comédienne de leur avoir offert des places à la première représentation ? est-ce qu’on ne peut pas être très humiliant en disant « bravo » ? Sans compter que le stylo géant se met à écrire un message sybillin… Et la culture ne vous est d’aucun secours, puisque Phèdre peut causer des ruptures et la visite intensive de musées entraîner de terribles régressions.
On passe un très bon moment plein d’absurdité avec ces courtes pièces brillantes. Ma préférence va à la « tragédie » du bravo qui se déroule en marge de Phèdre et au drame familial qui se joue un « dimanche » autour du stylo géant, au sein d’une famille comme les autres...