Il serait un peu facile de comparer Caramel à Vénus beauté (institut), mais il est surtout très difficile de s'en priver. Les deux films se déroulent tous deux dans un univers majoritairement féminin (salon de coiffure contre institut de beauté), propice aux révélations, aux commérages et à la peinture de destins croisés. Pour son premier long métrage, la Libanaise Nadine Labaki va cependant plus loin que les bacs à shampooing : son Caramel est la peinture tendre et acide de la condition des femmes dans son pays. Avec un à-propos admirable, elle ne dépeint pas les hommes comme des barbus intolérants et violents : ceux-là sont des mecs comme les autres, timides, lâches ou entêtés, ce qui nous évite un énième film sur la domination des hommes et la soumission des femmes.
Dans ce beau salon de coiffure, Labaki filme avec aisance le quotidien de cinq femmes à peu près comme les autres, qui aiment, souffrent et vivent leur vie. Ce n'est pas pour autant un "film de filles" : le spectateur masculin se sentira parfaitement à sa place dans ce petit univers, d'autant que la réalisatrice et ses deux scénaristes hommes ont su échapper au côté midinette. La chronique est fine, bien construite, souvent bien sentie ; et les destins de ces femmes, bien qu'assez communs, sont assez captivants, par la grâce d'un traitement délicat.
Si, dans le film de Tonie Marsall, l'institut Vénus beauté était surtout le refuge de femmes-victimes et de mecs carrément salauds, Nadine Labaki a trouvé une autre musique, plus mélodieuse et plus sincère : son salon de coiffure est simplement un carrefour propice aux rencontres de tous poils, bénéfiques ou pas, anecdotiques ou non. Jouant la cheffe-coiffeuse avec une grâce palpable (et une vraie sensualité, malgré l'excès de maquillage), elle livre un film précieux et délectable, qui porte bien son nom : Caramel, c'est un bonbon, qui colle un peu aux dents mais auquel on regoûterait volontiers.
7/10