Dans le domaine de la mythologie et de la religion, le patient travail de Bernard Sergent, spécialiste des études indo-européennes, a permis de montrer la profondeur des héritages communs aux Grecs et aux Celtes. Ces derniers n'ont laissé que peu de témoignages écrit sur leur religion et leurs croyances, mais les inscriptions d'époque gallo-romaine, la linguistique et la toponymie, les légendes irlandaises et galloises du Moyen âge, les vies de saints, notamment français, et plus généralement l'archéologie permettent de dessiner un coutour de plus en plus précis de la religion de nos ancêtres. Le comparatisme, tel que mis en oeuvre par B. Sergent, offre une vision plus aiguë encore des mythes et des valeurs sacrées des Celtes anciens, parce qu'ils véhiculaient un fond commun avec leurs équivalents grecs.
Nous voudrions rappeler ici les deux ouvrages fondamentaux qu'a écrit l'auteur sur le sujet, mais également sa dernière publication, Athéna et la grande déesse indienne (2008), dans lequel il met en évidence les points communs -nombreux-, entre la déesse grecque, la déesse indienne (importée en Inde par les Indo-européens, les "Aryas") et la grande déesse celtique qui préfigure d'autres divinités gauloises telles qu'Epona et Brigantio, ou encore les fées de la tradition insulaire (la Morrigane, Bodb). Des travaux incontournables, qui démontrent sans conteste que l'Europe n'est pas née avec le christianisme.
B. Sergent, Celtes et Grecs, I, Le Livre des héros, Bibliothèque scientifique Payot, Paris, 1999.
Dans ce premier volume, qui explore les mythes portant sur les héros, Bernard Sergent dévoile ainsi progressivement un grand pan de mythologie, de poétique et de théologie indo-européennes. Le plus célèbre des héros irlandais, Cúchulainn, présente des points communs nombreux et précis avec trois héros grecs : Achille, Bellérophon et le roi légendaire athénien Mélanthios. Avec le premier surtout, le parallélisme est tel qu'il permet la comparaison des épopées respectives, la Tain Bo Cualnge et l'Iliade : il a existé en somme une « pré-Iliade» dont le héros, ancêtre à la fois d'Achille et de Cúchulainn, était déjà le personnage principal. Une autre comparaison porte sur deux figures plus obscures, l'Irlandais Celtchar et le Grec Képhalos. Tous les éléments qui les définissent sont identiques, quoique leurs mythes soient différents, et Celtchar/Képhalos se révèle à l'analyse semblable au grand dieu impulseur du soleil connu dans la théologie indienne.
B. Sergent, Celtes et Grecs, II, Le Livre des dieux, Bibliothèque scientifique Payot, Paris, 2004.
B. Sergent, Athéna et la grande déesse indienne, Les Belles Lettres, Paris, 2008.
Arthur Lamarche.