Deux modules face à face au Palais de Tokyo (jusqu’au 4 janvier) on ne peut plus différents, certes tous deux collectifs, mais avec des approches assez opposées.
Celui de droite a été confié au collectif niçois La station : ce n’est qu’un lieu précaire, hébergeant un collectif SDF qui regroupe des artistes sans projet commun articulé. Des pièces plus ou moins originales, mais qui ne dialoguent pas entre elles, mais semblent vouloir surenchérir dans le spectaculaire. La bouche rouge de Natacha Lesueur se bat pour votre attention avec la sculpture voyante de Jacques Julien, la raquette/pétanque pop de David Ancelin est en compétition avec le micro-onde champignonné d’Emilie Perotto. Rien de très excitant, sauf les quatre coulées de laque noire sur les murs, pollution oubliée, oeuvre discrète de Cédric Teisseire, la seule (discrète) de l’exposition. Ci-contre une mauvaise vue d’ensemble.
A gauche, par contre, le module ‘Les Feuilles’ a été conçu à partir de l’expérience 220 jours qui avait accueilli des artistes rue Louise Weiss. Sous l’égide de Paradjanov, il s’agit ici de la construction du visible, du point de vue. Clément Rodzielski montre ici une pièce presque entièrement cachée par un panneau noir qu’on n’ose déplacer pour en voir plus, qu’on ne peut découvrir que par inadvertance (cette pièce appartient à cette collection, preuve que son propriétaire ne manque pas d’audace, mais pourquoi ne montrait-il pas ça, au lieu des fades Rodzielski présentés à Antidote 4 ?). Benoît Maire déploie des têtes antiques (l’Aurige, sans doute, et d’autres) aux yeux vides et à la mine altière : c’est un montage, un recouvrement, une démultiplication (Prolégomène à toute image pliée), un point de vue multiple et insaisissable en regard du point de vue frustrant et inatteignable de Rodzielski. Jiří Kolář montre plusieurs images recomposées, collages et démontages, trompe-l’oeil ou illusions: des miroirs dans une toile, ou un mixage de van Gogh et de (je crois) Hélène Fourment sur un fond de texte français ou grec : d’où les regarder, quel point de vue adopter.
La sculpture de Ryan Gander est plus anecdotique, à mon goût, mais ce petit cube bleu en est l’extension, qui nécessite la présence à plein temps d’un gardien pour éviter qu’on ne la piétine ; ne serait-ce pas aussi un détournement de point de vue ?
A noter que Les Feuilles a une extension, jusqu’au 20 décembre, en ce lieu, mais je ne l’ai pas vue.
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