C’est reparti avec l’euthanasie !
Certes, la souffrance doit être soulagée. Des moyens simples, peu onéreux, existent et doivent être utilisés. Ils peuvent, c’est vrai, accélérer le processus morbide; ils doivent être mis en oeuvre en plein accord avec le patient ou sa famille.
La vision que le bien portant a du mourant est une vision « centrique » et déformée. Il apprécie à l’aune de sa propre sensibilité : il peut être choqué, voire effrayé à la vue du malade. Il “prend” sa place!
Le mourant lui, est seul; c’est sa mort à lui, à personne d’autre, comme sa naissance a été la sienne, unique. Ainsi la vie comporte deux grands passages : la naissance et la mort, dans lesquels nous sommes seuls.
Reprenons la phrase du Pr. Jean Bernard : “Ajoutons de la vie aux jours, lorsque l’on ne peut plus ajouter de jours à la vie” Celui qui meurt a besoin d’affection de douceur, de compréhension, de soulagements. Il ne veut pas que l’on usurpe sa place, la nausée au bord des lèvres.
A vouloir tout mettre dans la Loi, y compris « l’exceptionnel », c’est ainsi que l’on fabrique des « monstres législatifs » incompréhensibles ou, plus grave, des législations de circonstance composée à la « une » des journaux.
C’est un peu la réflexion qui devrait nous occuper en lisant les multiples récriminations « d’exception » lues ou entendues à propos des conclusions de « la commission Leonetti »
Pourquoi un tel acharnement contre les conclusions de bon sens de cette commission. Mon expérience de médecin est que les demandes d’euthanasie sont à 99% issues des familles désemparées par la maladie de leur proche. Le développement des soins palliatifs et de la prise en compte des besoins des familles a fait et fera régresser de beaucoup ces demandes. Les cas rares où le suicide est techniquement impossible ne justifient pas une légalisation de l’euthanasie et ses risques. La loi est faite pour dire la norme générale et s’appliquer à tous les citoyens. Rappelons deux choses : la phrase de Robert Badinter : “Il faut se défier des lois d’exception, surtout lorsqu’elles touchent aux valeurs fondamentales” ; et celle de Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) : “Ne proposez pas l’euthanasie exceptionnelle, la demande n’est pas exceptionnelle, elle doit être ouverte à tous”.
Tous les médecins un peu « anciens » ont vécu deux périodes : une pendant laquelle les familles et les malades réclamaient quelques jours avant la fin de retourner à leur domicile, pour qu’elle se déroule dans un climat familial et familier. Et, aujourd’hui un processus inverse : lorsque la fin de vie s’annonce au domicile, c’est à l’hôpital qu’elle se déroule pour les derniers jours. Aujourd’hui, il est très difficile d’accompagner à domicile une agonie, les familles en sont le plus souvent incapables, impréparées. Alors, on nous appelle. Le Samu est ainsi sollicité de plus en plus pour des fins de vie, pour « régler le problème » dans l’urgence ! La réalité de cette question récurrente n’est-elle pas, en fait, contenue dans l’immaturité grandissante des entourages face à la mort ? On demanderait à la Loi de pallier à cette inconstance.
Les médecins doivent déjà faire face à de multiples demandes inconsidérées de “solution finale” (alors que les moyens existent pour soulager toutes les souffrances), qu’est-ce que ce sera si une loi irresponsable passe pour légaliser l’euthanasie !
Le soulagement demandé doit être absolument procuré, mais jamais ne doit passer dans l’esprit du malade, que l’acte médical entrepris est à visée “finale” Gardons nous bien, sous la double pression des comptables et des “philosophes en pleine forme”, d’oublier un jour “le ballon d’oxygène” Les dérapages sont souvent insidieux, imperceptibles au début. Ils deviennent très vite aveuglants à la surprise de leurs promoteurs eux-mêmes, “apprentis sorciers” et candides. Ces naïfs seront ensuite les premiers à ne pas reconnaître leur chère idée dans l’application qui en sera faite; les premiers à crier “au loup”
Alors pourquoi toute cette publicité faite à l’euthanasie, qui est tout simplement dépassée ? En l’absence de savoir-faire et de médicaments appropriés, elle pouvait épargner de terribles souffrances, mais on n’en est plus là. Qui parlera au nom de ces malades que l’on a trahis, qui se sont éteints en donnant leur confiance à des gens dont le métier est de leur porter secours ? Qui protégera ces milliers de gens faibles et seuls, si exposés, si fragiles, livrés au pouvoir de décision des autres ? Et on voudrait faire passer ces pratiques pour des arguments supplémentaires au service de la » grande cause »? Qui honorera le courage de ces soignants qui ont su dire non et, inventer d’autres méthodes de prises en charge ?
éééé
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