Histoire de Vin: Nicole Clicquot-Ponsardin ou la veuve joyeuse

Par Dc Dc

Si vous avez adoré la folle Histoire de Château Margaux et si vous aimez l’Art, les anecdotes, l'Histoire et … le vin, alors retrouvez tous les mois "Histoire de Vin" du Youwiner Jean Gabet ! Aujourd’hui, Noël oblige, la belle histoire de "La Veuve Joyeuse"...

Rien ne prédisposait la petite et bourgeoise rémoise (fille de banquier) Nicole-Barbe Ponsardin (1777-1866) a devenir l'une des premières femmes d'affaires de France et la veuve la plus célèbre du monde du champagne. Elle a douze ans lorsqu'éclate la Révolution Française qui la trouve, comme il se doit, dans une abbaye où elle est élevée dans les bonnes manières et le respect des traditions. Afin de la protéger des excès de cette période troublée, son père, la jeune Nicole est orpheline de mère, la place chez une brave femme couturière de son état dans un modeste faubourg de Reims.

A 22 ans, elle épouse François Clicquot, apparenté au Colbert et dernier descendant d'une dynastie de facteurs d'orgue. Ainsi un très bon parti, mais depuis que les couvents et les églises n'existent plus, François Clicquot se trouve quelque peu désœuvré. Ce véritable mariage d'amour n'est officiellement que civil et comme la toute récente coutume l'impose, la jeune fille ajoute son nomà celui de son mari et devient Mme Clicquot-Ponsardin. Le mariage religieux a lieu, mais caché, dans une cave célébrée par un prêtre « non jureur ». Lors de la cérémonie, celui-ci remet à François un rouleau de papier jauni et qui a pour titre: « Mémoires sur la manière de choisir des plants de vigne, sur la façon de les provigner, de les tailler, de mélanger les raisins, d'en faire la cueillette et de gouverner les vins ». En fait, il ne s'agit rien d'autre que l'un des très rares exemplaires de la manière de fabriquer le champagne selon la méthode de Dom Pérignon, le moine génial de l'abbaye d'Hautvillers! François n'ayant plus de travail et ayant gardé quelques terres avec des vignes, les jeunes époux décident de se mettre à la tâche.

Ils s'installent à Bouzy où ils surveillent les vignes, les récoltes, la fabrication et travaillent de tout leur cœur. François parcourt l'Europe pour trouver des clients et rencontrent à Bâle, M. Bohne, le meilleur voyageur de commerce du moment, qui très vite se met au service de la maison Clicquot-Ponsardin. Il vend à tout le monde: Allemands, Russes ou Anglais mais en 1805 c'est pour Nicole, la double catastrophe: son cher François meurt en peu de temps d'une fièvre bénigne, la laissant veuve avec une petite fille. En outre, la guerre reprend entre Napoléon et l'Angleterre coupant ainsi un débouché commercial important.

M. Clicquot, son beau-père, désespéré de la mort de son fils, décide de tout vendre, vignes et caves. Et c'est là, où le fameux caractère de la veuve rentre en scène: elle s'oppose fermement à la vente, entend honorer la mémoire de son époux en poursuivant sa tâche et quatre mois après sa mort, celle que l'on appelle désormais «  la Veuve » crée sa propre compagnie « Maison Veuve Clicquot-Ponsardin ». Et plus rien ne l'abattra.

Napoléon porte la guerre dans toute l'Europe? Et bien, M Bohne et ses équipes suivront les armées de l'Empereur. Le blocus empêche les navires français d'exporter en Angleterre et aux Etats-Unis? Elle passe contrat avec des corsaires américains et son vin va courir les mers. Napoléon perd la guerre contre toute l'Europe? «  Qu'ils boivent, dit-elle, ils paieront! ».

Mais un nouveau problème surgit: durant l'élevage du vin, il se forme à la surface des bouteilles un dépôt que l'on ne peut enlever rapidement. La «  Veuve » passe des nuits sans sommeil avec son maitre de chai Jacob à chercher une solution. Et un jour, enfin, plutôt une nuit, à une heure du matin, elle trouve la solution, réveille Jacob et descend avec lui à la cave: ce qu'il faut c'est percer des trous dans de longues et larges planches bien épaisses et y installer les bouteilles la tête en bas. Ainsi, on pourra faire sauter le dépôt sans trop perdre du précieux liquide. Elle avait inventé la table de remuage.

Les années passent, l'Empire passe mais pas la fortune de Nicole Clicquot-Ponsardin qui ne cesse de croître. Sa fille unique Clémentine épouse Louis de Chevigné, un beau garçon, fort noble et fort pauvre et c'est ainsi que la famille entre dans la haute noblesse. Celle que l'on appelle déjà la «  Grande Dame du champagne » achète le château de Boursault près d'Epinay qui devient le berceau de la famille Louis de Chevigné admire beaucoup sa belle-mère, qu'il appelle « Mère Chérie » et commence à se mêler des «  grandes affaires ». Malheureusement, il est un peu brouillon et pourrait bien entrainer la maison dans des affaires désastreuses si sa belle-mère ne veillait pas au grain. Son assistant Edouard Werlé évitera de justesse quelques catastrophes dues au « génie » inventif de Louis! Nicole le guidera loin des affaires, vers la politique et fera de Werlé, son associé, le seul susceptible de mener le champagne familial.

Elle mourra presque centenaire dans son château de Boursault, entourée de sa famille et ayant, jusqu'au bout surveiller ses «  grandes affaires ». Elle laisse, une maison qui vend annuellement 750 000 bouteilles!

Toute sa vie, elle n'a admit à sa table que son vin de champagne et elle aimait répéter paraphrasant Louis XIV: le champagne c'est moi!

Son arrière petite fille ne fut que la célèbre duchesse d'Uzès ( 1847-1933), chasseur émérite, et première femme à avoir eu son permis de conduire ( en 1897) et la première a avoir une contravention pour excès de vitesse ( 15km/h)!

Boire du Veuve Clicquot, c'est retrouver dans ces quelques bulles de champagne, un peu du formidable destin de ces femmes.

Je vous souhaite d'excellentes fêtes de fin d'année.

A l'année prochaine!

Jean Gabet.