Alors que fait-on lorsqu'il s'agit de donner suite à une telle réussite? On en fait exactement le contraire, répondent Peter Bjorn and John! Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils semblent s'être amusés à le faire. Ils se sont donc surtout amusés à rendre ce Seaside Rock le plus inaccessible possible. Quant à la distribution, d'abord : Seaside Rock n'a été pressé qu'à 5000 exemplaires, en vinyle uniquement, et sorti dans la plus grande discrétion. Difficile de conquérir le monde avec ça. La langue, ensuite : alors que les paroles claires et engageantes du tubesque "Amsterdam" donnaient littéralement envie de prendre le volant direction nord, Seaside Rock est ponctué de monologues parlés en suédois dans le texte (avec différents accents régionaux pour ceux qui les perçoivent, et là mon ego est ravi) donnent plutôt en vie de faire demi-tour avant de finir lost in translation. Puis, le son : alors que Bjorn Yttling nous avait convaincu de son génie en matière de production, transformant les chansons de Writer's Block, ainsi que celles de Lykke Li ou Taken By Trees, en véritable objets de design plastiquement parfaits, il camoufle le peu d'évidence de ce mouveau disque sous une production floue et brouillon.
Et le principal, enfin : à quoi ressemblent les dix morceaux de cet LP? Eh bien à vrai dire, elles se situent entre la blague régressive et l'exercice de style, sans que l'on puisse jamais comprendre les véritables intentions du trio. Dix plages instrumentales, donc, qui ressemblent plus à du work in progress qu'à des titres aboutis. Alors certains morceaux fonctionnent plus que d'autres : le drôle "Say Something (Mukiya)" chanté (oui, chanté!) avec des onomatopées empruntées à Deerhoof, "School of Kraut," d'inspiration justement kraut, ou encore le final "At the Seaside." Le reste semble sans queue ni tête, et sans grande épaisseur. On rêve pourtant au début de chacun de ces titres qu'ils soient à leur manière des propositions pop, tant nous avons été conditionnés par les tubes de Writer's Block. Mais il n'en est rien : ces morceaux n'iront pas plus loin, ce qui est, impossible de le nier, terriblement frustrant. D'autant plus que l'on a toujours pas compris où le trio voulait en venir.
Sauf que! Peter, Bjorn and John viennent de poster un nouveau titre sur le net, deux mois donc après la sortie de cet obscur vinyle. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils savent jouer avec le mystère. La chanson (oui, chanson!) est encore sans titre, et uniquement disponible sous forme d'une vidéo énigmatique, publié sur le site humoristique suédois 1000apor, et qui pose visuellement la question du masque et de l'identité. Et c'est énorme. Le groupe joue encore une fois là où on ne l'attendait pas : ils donnent en effet aujourd'hui dans l'électropop percutante. Le chant de Peter Moren est revenu, et on reconnaît à nouveau la patte précise de Bjorn Yttling à la production, grandement inspiré semble-t-il par son travail avec Lykke Li. Mais pour son retour aux affaires au sein de son groupe, il a choisi de gonfler le son à bloc. Et le résultat est terriblement jouissif. Déjà intitulée par les blogueurs "Hey (Shut The Fuck Up Boy)," cette bombe est l'excellente surprise de cette fin d'année, et l'un des meilleurs espoirs pour celle à venir (album annoncé pour le printemps). Le décevant Seaside Rock n'était donc qu'une manche d'un étourdissant jeu de cache-cache, l'étape d'une trajectoire qui est en train de se révéler passionnante.
En bref : Un Lp d'instrumentaux, dont on ne perçoit pas vraiment la pertinence. Mais un inédit époustouflant récemment posté annonce le meilleur pour la suite.
Voir Myspace et le site officiel
La vidéo d'un extrait de Seaside Rock, réalisée avec la projection utilisée pour un concert caritatif:
Et la vidéo de votre nouvelle chanson préférée:
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