La crise ? On l’attendait, la voilà, pesant sur les budgets des annonceurs comme sur ceux des ménages. Mais pour les participants du Cercle, la crise n’est pas seulement économique. Profonde, structurelle, elle annonce la transition vers de nouvelles approches marketing : nouveaux médias, nouvelles relations avec les consommateurs…
Autour de la table, ce mardi, on enterrait définitivement les années 80 (et les années 90), et
au-delà des questions budgétaires on préparait déjà 2010. Bienvenue.
1. La crise... et ses conséquences
Pour la moitié des participants, 2008 était déjà une année de crise. Mais cette dernière semble s’installer durablement...
Quelques chiffres de crise
Un signe fort de la crise ? Les biens de première nécessité sont touchés. Les ventes de lessive, par exemple, ont chuté de 6 % en volume sur le 1er semestre. L’Angleterre est plus salement touchée encore – avec une baisse historique des ventes de papier toilette… Et si le luxe « haut de gamme » continue de progresser, les produits d’entrée de gamme souffrent particulièrement. Au fond, bien peu de secteurs semblent épargnés, et les prévisions chiffrées semblent bien hasardeuses.
Comment réagiront les consommateurs ?
Quelques récentes enquêtes permettent d’éclairer ces sombres perspectives. Selon une étude internationale menée par Nielsen, la moitié des consommateurs chercheront à économiser de l’argent (notamment sur les loisirs et les produits non-essentiels). Plus du tiers prévoit également de se tourner vers des magasins moins chers. Le discount (qui représente déjà 15% de la distribution française) pourrait donc profiter de la crise. Autour de la table, on rappelle d’ailleurs, avec les exemples de Logan ou d’EasyJet, que low-cost ne signifie pas low-satisfaction.
Annonceurs : faire plus avec moins
Un sondage réalisé en direct auprès des participants donne des résultats très parlants. Les deux-tiers des participants annoncent pour 2009 un budget marketing en baisse… Mais 82 % d’entre eux ont des objectifs revus à la hausse ! Des objectifs qui passeront tant par la fidélisation que par la conquête.
La crise : une opportunité pour le marketing ?
En réalité, la crise a déjà été anticipée par les entreprises. Plus de la moitié d’entre elles auraient déjà modifié leurs plans et leurs budgets – souvent au profit de stratégies on-line. Maurice Lévy estime d’ailleurs que la publicité numérique compensera le recul des canaux habituels. Avec une pression croissante d’efficacité, le marketing devient une véritable opportunité pour les marques... A condition que les annonceurs sachent négocier la transition vers le numérique.
2. Derrière la crise… une transition
Autour de la table, les avis convergent : derrière la crise économique se cache une transition profonde des modes de consommation, qui enterrera les modèles publicitaires classiques. Quels sont donc les moteurs de cette transition ?
De l’analogique au numérique : glissement ou rupture ?
« Nous sommes en train de changer d’ère », disent certains. Chacun note d’ailleurs la rapidité du passage de l’analogique au digital… Un participant du monde de l’édition rappelle toutefois que les non-internautes représentent encore une part majoritaire de la population.
« Nous cherchons à gérer une transition, dont nous espérons qu’elle sera plus un glissement qu’une rupture, ajoute-t-il. En attendant, nous sommes très attentifs aux nouveaux usages… »
Nouvelles valeurs, nouveaux usages
De nouveaux usages : voilà l’une des clés de la transition. Au-delà même de la révolution numérique ! Dans le secteur automobile, par exemple, on pourrait bien passer de la possession à la location selon les besoins. « En B to B aussi, on sent cette évolution, confirme-t-on chez Xerox. La facturation à la page imprimée en est une conséquence directe. »
Christine Balagué évoque par ailleurs une nouvelle recherche de valeur par le consommateur, où le service prend le pas sur le produit, et où les coûts en temps et en énergie deviennent essentiels… si le prix est perçu comme juste, bien sûr.
Une défiance croissante envers les marques
Les citoyens consommateurs retrouvent des réflexes ancestraux : se raccrocher à ses racines, recréer des petits groupes… Voilà qui explique en partie le succès des réseaux sociaux et autres blogs ! Avec ce corollaire : perdus face à la crise et au trop-plein d’informations, le consommateur nouveau recherche plus la confiance dans des individus (prescripteurs désintéressés) que dans les marques traditionnelles.
Consommateur, marketeur : qui est le plus perdu ?
Mais au fait : est-il vraiment perdu, le consommateur ? A l’instar des financiers, il peut bien se montrer irrationnel en temps de crise. « Pourtant, note Christine Balagué, on n’observe pas aujourd’hui de phénomènes irrationnels classiques, comme le stockage de produits alimentaires. Le consommateur ne stocke pas, il optimise. »
« Le marketeur est bien plus perdu que le consommateur ! déclare Eric Munz (KDP Groupe). Ce que confirme plus tard Hervé Dhélin de SPSS, notant que la plupart des directeurs marketing sont aujourd’hui incapables de prédire le résultat de telle action sur telle cible…
3. Les stratégies gagnantes
En temps de crise, il est un mot d’ordre classique : « Back to basics »… But which basics ?
L’écoute, bien sûr. Ecouter (vraiment) le consommateur
Au cours des prochains mois, les entreprises se concentreront sans doute sur leur coeur de cible, en s’efforçant de répondre à ses besoins. Encore faut-il être capable de réellement écouter le consommateur, de garder avec lui un contact régulier et de savoir traiter tous les feedbacks. On recommandera même de susciter ce feedback - par le biais d’incentives, par exemple.
Devenir marchands de liens
Face aux nouveaux usages, les entreprises devront reconsidérer leur offre, et penser services au-delà des produits. « De marchands de biens, les entreprises deviennent marchands de liens » résume Guillaume Buffet de CRM Company Group. Traduction immédiate en termes de communication : plutôt que de parler de leur produit, l’annonceur devra parler avant tout de ce qui intéresse ses consommateurs, et miser sur l’influence autant que sur la promotion directe.
Faire vivre une vraie relation sincère
Pour restaurer la confiance, les marques sont appelées à animer une relation sincère avec leurs clients. Avec un double défi : gérer les bases de données qui permettent l’individualisation de la relation, bien sûr… Mais aussi réussir le changement culturel qui s’impose au sein des équipes commerciales et marketing. « Depuis que nous avons abandonné le marketing produit pour un marketing relationnel, notre plus grand défi est de recruter des gens capables d’être réellement à l’écoute des clients », témoigne un membre.
Créer et susciter l’émotion
Qui dit relation sincère dit échange d’émotions… Chez Sephora, une nouvelle carte de fidélité permet d’attirer de nouvelles clientèles. Mais le marketing direct n’est qu’une première étape – « nous travaillons beaucoup sur l’émotion et l’expérience en magasin ».
L’émotion, c’est aussi ce qui permettra aux marques de porter un discours positif, se distinguant ainsi de la morosité ambiante. « Reste ensuite à transformer cette émotion en vente : voilà l’art nouveau du marketing », conclut Guillaume Buffet.
Vers de nouveaux indicateurs
En parlant de relation et d’émotion, les participants auront su dépasser les enjeux commerciaux immédiats. Difficile pour autant d’échapper à ces derniers.
Aussi ce Cercle laisse-t-il entrevoir pour l’avenir la cohabitation de deux types d’indicateurs : les ventes à court terme, mais aussi des indicateurs plus sensibles, révélateurs du potentiel d’influence des marques. Les modèles de mesure existent, d’ailleurs – le Cercle y reviendra.
source : cercle du marketing prédictif
Posté sur : levidepoches.fr/echange
Posté par : Loïc LAMY