« Pourquoi écrit-on ? J’imagine que chacun a sa réponse à cette simple question. Il y a les prédispositions, le milieu, les circonstances. Les incapacités aussi. Si l’on écrit, cela veut dire que l’on n’agit pas. Que l’on se sent en difficulté devant la réalité, que l’on choisit un autre moyen de réaction, une autre façon de communiquer, une distance, un temps de réflexion.»
J.M.G. Le Clézio : Dans la forêt des paradoxes. Début du discours prononcé le 7 décembre 2008 lors de la remise du prix Nobel. «
"Si l’on écrit, cela veut dire qu’on n’agit pas» nous dit le nouveau Nobel. En effet et c’est le genre de question que l’on s’est déjà posée ici même, sans vraiment trouver de solution satisfaisante.
La réponse, cependant est peut-être dans ces mots «distance» et «temps de réflexion». L’écrivain serait toujours ailleurs, en retrait, en train d’observer et non en train de vivre. Il y a entre lui et l’existence une distance critique. Il regarde, il observe, puis il couche ses impressions sur le papier, ce qui lui permet de «dire» ce qu’il a ressenti face aux événements observés. C’est donc son point de vue subjectif qui l’emporte et non les faits eux-mêmes, son intériorité et non la vie qui passe. Ecrire serait donc par définition se raconter soi-même, dans une sorte d’autobiographie mentale en quelque sorte. Dès lors, c’est aussi affirmer la suprématie de sa propre sensibilité sur le monde ambiant et donc tenter de dire que l’on existe. Ecrire, ce serait donc une course de vitesse avec la mort, une course que l’individu tente désespérément de gagner, même s’il sait qu’il n’y parviendra pas. D’où sans doute ce sentiment du tragique si souvent présent dans la littérature.