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Arbus sur papier journal

Publié le 15 décembre 2008 par Marc Lenot

arbus-3.1229274586.JPGLa Fondation Kadist expose (jusqu’au 8 février), à partir d’une collection de magazines de Pierre Leguillon, des photos de Diane Arbus dans ces revues. Cette exposition est intéressante à plus d’un titre. D’abord parce que peu de photos de Diane Arbus ont été exposées en France, ses filles exerçant un contrôle très rigoureux sur expositions et reproductions, et, à moins d’avoir pu aller à Londres il y a trois ans, c’est une des premières occasions de voir une partie importante de son travail, et surtout de le voir hors l’emprise du très contrôlant ‘”Estate of Diane Arbus”.

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Ensuite parce que ce travail pour des magazines montre bien l’économie du métier de photographe, et l’obligation de vivre avec des commandes et des publications, avant d’être reconnue par les galeries et le monde de l’art (de plus, l’accréditation par un magazine ouvre des portes pour des sujets qui, sans elle, auraient été impossibles à photographier). Certaines des photos montrées ici sont ensuite devenues des icônes très connues du travail de Diane Arbus, d’autres par contre n’ont été vues que très rarement, voire uniquement dans ces magazines.

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Enfin parce que, bien évidemment, Diane Arbus, dès le début, n’est pas une banale photographe illustratrice. Non seulement ses sujets dérangent : voici son premier reportage pour la très chic revue Esquire en juillet 1960 (The vertical journey : Six movements of a moment in the heart of the city; ©1960 The Estate of Diane Arbus LLC). Seules les deux premières images (ci-contre) sont autorisées à la reproduction, un acteur ‘freak’ marginal (le monstre de la jungle du Herbert’s Museum) et une ’socialite’ (Mrs Dagmar Patino au Bal du Grand Opéra); la série continue avec une femme du monde, un acteur nain, un fou et, pour finir, un cadavre à la morgue. Ce voyage vertical est une tranche de vie new-yorkaise, alliant l’étrangeté au morbide et on comprend devant un tel réquisitoire qu’Esquire ne donna pas suite au projet de confier tout le numéro à Diane Arbus. Et, bien sûr ces images sont prémonitoires de toutes les photographies de fous, de clochards, de marginaux que Diane Arbus va réaliser tout au long de sa vie.

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De plus, Diane Arbus transforme la mise en page du magazine, ses photographies y sont présentées non plus seulement comme des illustrations d’un texte (d’ailleurs parfois de sa plume), mais comme des témoignages à part entière. Doom and passion along Route 45 (parue dans Esquire en novembre 1962) a été prise à l’occasion d’une manifestation pour la paix et contre les armes nucléaires. L’image sur une double pleine page, le cadrage, la composition en silhouette entre ciel et terre donne à ces manifestants une allure fantomatique, irréelle, désespérée aussi. Ce n’est qu’en lisant les pancartes qu’on comprend ce qu’est ce défilé, cette procession d’ombres.

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Quant à cet énigmatique Couple sur un banc, paru en pleine page dans Harpers’ Bazaar en septembre 1964, il est supposé illustrer une nouvelle éponyme de Marcel Aymé, mais c’est déjà une oeuvre d’art à part entière. Il y a aussi de très beaux portraits, Frank Stella, Borges (mais ici avec Madame), et Norman Mailer qui déclara après avoir vu les photos que Diane Arbus fit de lui “Confier un appareil photo à Diane Arbus, c’est comme mettre une grenade dégoupillée entre les mains d’un enfant.”

Enfin, Pierre Leguillon présente en écho quelques autres photographes dont Walker Evans, Wolfgang Tillmans et Céline Duval, et ces échos sont révélateurs. L’exposition ira ensuite à Douchy les Mines (jusqu’au 1er juin).

Lire aussi, si vous le trouvez, le livre ‘Diane Arbus photographe de presse’ et ce billet.

Vue extérieure de la galerie, par l’auteur, et photo des magazines © Pierre Leguillon). Autres photos ©The Estate of Diane Arbus. Photo 3 courtoisie Fondation Kadist; photos 4 et 5 de l’auteur. 


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