Magazine Humeur

Nicolas Sarkozy promettait la «revalorisation du Parlement»… en «verlan», ça se dit comment ?… l’avoir dans l’os !

Publié le 15 décembre 2008 par Kamizole

assemblee-nationale-25-nov-2008-amendements.1229303565.jpgJe n’aurais pas de mots assez durs pour les «pauv’c…» qui y auront cru. Au premier rang desquels, bien évidemment, Jack Lang ! On ne l’entend plus. Cela vaut mieux car il aurait drôlement du mal à se justifier d’autant que c’est sa seule voix qui a fait pencher la «balance»… dans les deux sens du terme, pour lui !

Quant aux quelques minables centristes qui ont accepté à reculons de voter la Constitution Sarko contre de vagues promesses dont il était loisible de prévoir qu’elles serviraient de torche-cul puisque non inscrites dans la Constitution et sont allés nonobstant «à la soupe» ! – aux lentilles ? - ils se sont proprement faits rouler dans la farine.

On ne les entend guère plus se révolter contre les multiples tentatives d’abaisser et de museler le Parlement. Cette semaine a été pourtant particulière-ment riche !

L’UMP reproche au Parti Socialiste de faire de «l’obstruction parlementaire» notamment en déposant un grand nombre d’amendements, ce qui a pour effet – ils doivent être votés un par un - de retarder l’examen de la loi, article par article.

Je tombe sur le cul quand Jean-François Copé déclare “Le PS, je crois, continue d’être fou, a-t-il dit. Bloquer le Parlement pour ça, c’est hallucinant.”… Le Président du groupe UMP de l’Assemblée Nationale doit être atteint de la maladie d’Alzheimer : j’ai le souvenir que le RPR a moult fois pratiqué l’obstruction parlementaire et le dépôt massif d’amendements quand la gauche était au pouvoir : cela faisait partie du jeu parlementaire normal et maintenant, ce serait quasi illégitime !

L’obstruction parlementaire fait partie de la règle du jeu dans un vrai Parlement. C’est un des rares pouvoirs dont dispose l’opposition. J’avais lu et étudié avec beaucoup d’intérêt en 1ère année de droit, un article très précis de la Revue «Pouvoir» dont le titre, si ma mémoire est bonne, devait être : «l’arsenal du parfait député obstructionniste», lequel détaillait toutes les possibilités dont disposent les parlementaires de l’opposition pour retarder l’adoption d’une loi, à défaut d’éviter son adoption.

Or, un article de «20 minutes» me sidère : Des amendements pour défendre le droit à l’amendement ? Il y est tout bonnement question – sous couvert de prendre acte de la réforme de la Constitution… qui donne, on s’en souvient ! plus de pouvoirs au Parlement – de limiter drastiquement les pouvoirs des députés…

Limiter la durée des débats, déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion» !

En un mot comme en cent, il s’agit ni plus ni moins que de museler l’opposition en lui interdisant toute possibilité d’obstruction parlementaire : «fermez vos gueules !». Point barre !

Ont-ils seulement conscience que l’opposition d’aujourd’hui peut devenir la majorité de demain ? Il est vrai qu’avec le Parti Socialiste tel qu’il se présente aujourd’hui cela semble plutôt surréaliste.

Mais tout de même ! Les UM/Posteurs seraient les premiers à crier au scandale et à la dictature s’ils étaient dans l’opposition et que l’on prétendît leur infliger pareil traitement…

Et cerise sur le gâteau : Le projet de loi suggère également la possibilité d’une «procédure d’examen simplifiée» qui prévoit que «le texte adopté par la commission est seul mis en discussion, sauf amendement du Gouvernement ou de la commission»

Il s’agit là d’une formidable régression !

Il faut en effet remonter au Directoire (1795-1799) pour trouver une chambre le «Conseil des Anciens» - chambre «haute», l’équivalent de notre Sénat – dont le seul pouvoir consistait à approuver ou rejeter les lois adoptées par la «chambre basse» - l’équivalent de notre Assemblée nationale – sans les amender.

Noter bien que dans les cartons de l’UMP, ce sont les deux chambres qui seraient également privées des moyens considérés comme normaux dans une démocratie parlementaire…

Sinon, il faut chercher d’une autre référence – fort peu républicaine ! – à l’époque de la Restauration (de la monarchie) avec la «Charte constitutionnelle» du 14 juin 1814 - octroyée par Louis XVIII !… Dire que les parlementaires y disposaient d’un pouvoir très limité relève du pur euphémisme.

J’en veux pour preuve deux articles concernant la Chambre des députés des départements :

L’article 45 dispose que «La Chambre se partage en bureaux pour discuter les projets qui lui ont été proposés de la part du Roi».

On peut y voir quelque ressemblance avec les Commissions actuelles de nos chambres – et notamment la Commission des lois – qui préparent le travail législatif, proposent des amendements ou apportent des modifications aux projets de loi qui leur sont soumis.

L’article 46 dispose que «Aucun amendement ne peut-être fait à une loi, s’il n’a été proposé ou consenti par le Roi, et s’il n’a été renvoyé et discuté dans les bureaux»

Nous y voilà : Nicolas Sarkozy, c’est bien le retour, non pas à l’Ancien Régime – il n’ose quand même pas ! - mais à la Restauration… ça, faut oser le faire !

Enfin, je suis fort dubitative sur le projet qui avait mûri dans certains cerveaux de la majorité de contourner l’obstruction parlementaire en utilisant la voie réglementaire pour faire adopter par décret une partie des dispositions initialement prévues dans le projet de loi relatif à l’audiovisuel public, à savoir la suppression de la publicité…

Télévision publique : la pression s’accentue pour supprimer la publicité par décret
LEMONDE.FR | 09.12.08 ©
Nicolas Sarkozy promettait la «revalorisation du Parlement»… en «verlan», ça se dit comment ?… l’avoir dans l’os !

Je ne peux que m’interroger sur la constitutionnalité du procédé. Il me semble qu’une telle mesure, qui a des incidences financières non négligeables, dont le prélèvement d’une taxe payée par les chaînes de télévision privée et autres fournisseurs d’accès internet ou de téléphonie, relève normalement de l’article 34 de la Constitution, c’est à dire du législateur et non de l’exécutif.

En outre, comme le relève Le Figaro, Audiovisuel : le gouvernement brandit la menace du décret si ces disposition avaient été prises par décret, la loi de finances eût risqué d’être mise à mal par le Conseil constitutionnel dans la mesure où elle garantit la compensation budgétaire – 450 millions d’euros – de l’arrêt de la publicité alors que c’est la loi audiovisuelle qui spécifie que «cette suppression fait l’objet d’une compensation financière de l’État»… Cela faisait un peu désordre !

Enfin, je suis tombée sur une petite perle d’inculture juridique ! Dans un article de Libération … Réforme de l’audiovisuel: la pub sera supprimée par décret : Selon une source gouvernementale, «la décision» de recourir à un décret sera bien prise «à la fin de la semaine». Ce décret pourrait se contenter de modifier la loi existante, pour éviter une éventuelle annulation en conseil d’Etat.

Je ne saurais dire si c’est «la source gouvernementale» qui a sorti cette énormité ou si le journaliste Libé l’aura prise sous son bonnet…

Un étudiant en droit de 2ème année qui dirait cela en T.D. de droit administratif aurait un zéro pointé ! Parce que l’on nous y serine assez le principe de la «hiérarchie des normes» : constitutionnelle, législative et exécutives…

Selon lequel une loi ne peut être contraire à la Constitution ni un acte réglementaire, tel qu’un décret, ne peut aller à l’encontre d’une loi et donc, a fortiori la «modifier» ! Agir ainsi serait de surcroît aller immanquablement au devant d’une annulation du décret par le Conseil d’Etat…

Il n’y a pas à dire : nous sommes bien gouvernés par des ânes !… antidémocrates.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Kamizole 786 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte