Chaque année, à la même époque, j'ai droit à ce marronnier, aussi cruel qu'imbécile : Noël, c'est le moment de l'année le plus formidable pour les enfants !!!
Incantation mercantile. Moment dénué, plus que tout autre, de toute authentique générosité.
Passons sous silence les gens de peu qui passeront "les fêtes" sous un pont ou dans un taudis. Ceux pour qui "Noël" ne signifie rien pour la bonne raison qu'ils ne sont ni chrétiens ni affligés par les virus de la société de consommation.
Sans plus de généralités (without any more ado comme disent les angliches), je vais vous parler de moi, ma pomme, myself.
Passée l'âge de 4 ans, c'est-à-dire en fait aussi loin que ma mémoire remonte, Noël c'est l'incarnation du jour le plus lugubre de l'année.
Un enfant sent bien quand ses parents se forcent à être heureux ce jour-là plus qu'un autre. En fait, mes parents m'ont toujours semblé être heureux toute l'année SAUF le jour de Noël. Ce jour-là leur rappelant sans doute de sombres souvenirs personnels (mon papa dans un orphelinat, ma maman livrée à elle-même).
Les innombrables boites enrubannées dédiées à l'enfant unique que j'étais ne pouvaient alors rien y changer.
Je me souviens surtout de mon front appuyé sur la vitre glacée, la buée accrochant des nuages à l'image des autres, en face, en train de se réchauffer tous ensemble. Cette sensation douloureuse de froid qui transperçait jusqu'à mon cerveau.
La solitude à Noël... est-ce qu'on y songe seulement un peu quand on entonne ce "Noël, fête des enfants" ?
A Noël, justement, tout le monde part en vacances ou en famille. Tout le monde s'éparpille et l'enfant solitaire est plus que jamais dressé, face à son ombre infinie, au milieu de nulle part. Puis, c'est l'adolescent.
Et puis un jour c'est l'adulte qui n'a pas la moindre envie de faire illusion le jour de Noël.
Qu'on laisse les enfants tranquilles avec cette obligation pour eux d'être formidablement heureux ce jour-là. Qu'on nous laisse en paix avec Noël.