Les sept traitÉs de la guerre

Traduit du chinois et commenté par Jean Lévi.

Collection Hachette Littératures. Grand Pluriel. 2008.

« Les armes sont des objets funestes, les conflits une offense à la raison, les généraux des préposés funèbres, aussi n’est-ce qu’à son corps défendant qu’un prince y a recours ».

L’art du commandement du commandant Leao.

La stratégie chinoise ancienne, aujourd’hui si prisée, est pourtant restée longtemps inconnue des penseurs et praticiens occidentaux. Désormais pleinement admise comme fondamentale, sa connaissance se limite encore trop souvent au seul Sun Tzu et ignore les autres traités publiés sensiblement à la même époque, en tout cas tous issus de cette période troublée que fut l’ère des Royaumes Combattants.

Jean Lévi, directeur de recherche au CNRS, sinologue reconnu et déjà auteur d’une traduction de « L’art de la guerre », rassemble dans ce livre sept ouvrages stratégiques fondamentaux dont la lecture permet de mieux appréhender toute la profondeur de l’art militaire chinois tel qu’il a pu être pratiqué durant plus de deux mille ans.

Ces textes sont précédés d’une copieuse et indispensable présentation afin que le lecteur puisse mieux appréhender toute la complexité philosophique, si particulière pour un esprit occidental, qui leur est propre, mais aussi de les placer dans leur environnement culturel et historique trop souvent mal connu.

Car, regrette Jean Lévi, « loin de marquer un approfondissement de la pensée chinoise en Occident et de constituer un progrès dans notre connaissance de cette civilisation, le succès du Sun Tzu s’est accompagné d’une « décontextualisation » de la réflexion chinoise sur la guerre, soit qu’on l’ait propulsée dans le ciel immuable de la métaphysique, opposant à une culture héroïque de l’action une pensée stratégique de la propension, soit qu’on l’ait réduite à une collection de recettes standard permettant de s’épanouir sur les plans professionnels et affectifs dans la jungle du monde moderne ».

Chaque texte est ainsi enrichi par des notes de bas de page qui éclairent le lecteur en lui permettant de mieux saisir l’ampleur de la réflexion stratégique chinoise, les différents traités abordant à la fois les domaines strictement militaires, mais aussi des principes d’administration civile qu’il est intéressant de mettre en parallèle avec les œuvres occidentales, et l’on pense bien sûr à Machiavel.

Voici la liste des ouvrages présentés dans ce recueil :

- L’art de la guerre de Maître Sun.

- Le Code Militaire du Grand Maréchal.

- L’Art du Commandement du commandant.

- Les Trois Ordres stratégiques de Maître Pierre Jaune.

- Les Six Arcanes stratégiques.

- Questions de l’empereur des T’ang au général Li Wei-kong.

On terminera cette brève présentation d’une œuvre incroyablement riche en citant à nouveau Jean Lévi, qui, dans l’ultime chapitre de son avant-propos intitulé « le paradoxe de l’expérience stratégique chinoise », note qu’une fois la Chine réunifiée, et ses dirigeants confrontés cette fois-ci aux incursions/invasions des Barbares, les préceptes des penseurs de la guerre civile se retrouvèrent largement inefficaces. Lévi donne, entre autres, cette explication qui confère à ces textes un nouvel intérêt pour la situation actuelle et qui mérite d’être méditée :

« (…) Parce que ces théories avaient été élaborées dans le cadre d’un Autre qui se trouvait en réalité être un Même. Les Chinois n’ont jamais pu venir à bout des Barbares qu’après les avoir transformés en Même, c'est-à-dire après avoir été vaincus et dominés par eux. C’est là un prix fort lourd à payer. En sorte que, paradoxalement, les écrits des stratèges chinois seraient plus d’actualité aujourd’hui, dans un monde éclaté et multipolaire, où tous les peuples sont dans un double rapport de coopération et de compétition, que dans la Chine du Ier au début du XXe siècle, qui se pensait alors comme une totalité. »

Voir aussi : « Tenter de comprendre la Chine d’aujourd’hui et de demain ».