Souchon rencontre Baudelaire

Publié le 14 décembre 2008 par Sheumas

Suite aux demandes de certains et certaines d'entre vous, je publie ce matin un article autour d'une autre chanson de Souchon...

Appartement surchauffé. Ventilateur. Métro. Zone... " A la fin, tu es las de ce monde ancien... "

Tu avances vers le jardin public. Il fait chaud. Des ribambelles de gamins poursuivent une petite balle même pas ronde. Entre deux arbres, au coin de la pelouse, une espèce de gardien de but exécute une drôle de parade. Ballon hypnotique, gant de velours, gestes faussement câlins.

Un couple est allongé dans l'herbe, herbe échauffée, herbe fumée. Pas d'herbe cendre au cœur de l'après-midi de juin...

MP3 aux oreilles, tu écoutes Souchon.

Toi aussi, tu balances des coups de pied dans une petite boite en fer.

Sur un banc, les souliers noirs posés sur le sable du sentier, un étudiant africain lit " les Fleurs du mal ". Tu as toujours aimé regarder ce que les gens lisent. Tu te souviens du poème " A une passante ", naguére appris par cœur pour épreuve de récitation... La rue assourdissante ! Piaillerie du jardin public. Au fond le galop des chevaux de bois et les enfants qui tournent.

" Un éclair puis la nuit, fugitive beauté dont le regard m'a fait soudainement renaître ".

La bande des gamins se précipite, la drôle de balle frôle le banc. C'est un ballon " révolver et chapeau clown ".

" Allo maman bobo... ", fin de plage.

Conduit complice, lobe de l'oreille, coup de pied, but !... Nouvelle plage : Souchon, " le Mystère ". La nuée est allée piailler du côté des deux arbres et du gardien. Vol plané. Grand silence ! A peine un frisson de brise.

Page de Baudelaire soulevée.

" Agile et noble, avec sa jambe de statue "... " La belle Peggy du saloon ".

Une fille a surgi du fond de la pelouse ou des herbes fumées ! Elle porte des lunettes noires et des mèches folles. Elle glisse sur le sentier. Le visage est fin, la nuque souple balance, grande feuille bruissant sous les arbres, les cheveux en pinceaux. Elle ne fait que passer, et le jardin public est son aquarelle.

Un portable sonne au fond de son sac. La statue descend de son piédestal. Ralentit sa marche.

Mais ce n'est pas tant Suzanne qui me plaît tant.
C'est le mystère qui est dedans, le mystère dedans, le mystère dedans.
Je suivais musiques et paroles mon chemin de rossignol chantant mon chant émouvant...
Le téléphone à son oreille, " le mystère " à la tienne soudain suspendu. Tu retiens ton souffle. Elle ne dit rien. Pas la même chanson ! Sa voix, tu ne l'entendras pas ! Réfugiée au fond de son palais... Et sa gorge qui se soulève.

Un air contrarié. Et le portable continue son refrain au fond du sac. Elle est repartie.

" Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse... "

Le même balancement des hanches, une balade entre deux hémisphères. " J'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais... ".

Tu voudrais la suivre, tu n'es pas un pirate : " les sorties de port à la voile "... Tu préfères garder tes étoiles sur le cadastre de la mémoire...
Mon amour comme ses yeux brillent quand elle jette pour moi ses espadrilles pourtant la voilà repartie retrouver l'autre abruti qui lui fout des marrons quand il est rond. Mais ce n'est pas tant cette fille qui me plaît tant. C'est le mystère qui est dedans, le mystère dedans.

Sur le banc, l'étudiant africain a levé les yeux. Il reste en suspens sur un vers. Puis son doigt tourne la page.
Les statues de jeux qu'on hisse, qu'on embrasse et puis qu'on dévisse.
Ce n'est pas tant ce monde qui me plaît tant c'est le mystère qui est dedans, le mystère dedans, le mystère dedans, le mystère dedans.


Whale bone in Caithness