Notre président a commencé cette semaine boudeur, agacé, voire énervé. Il avait pourtant (enfin) rencontré le Dalaï-Lama le week-end dernier : mais l'ennemi est à l'intérieur. Les gaffes gouvernementales perdurent, la fronde parlementaire également. Heureusement, le soulagement est venu vendredi, avec un accord européen bancal sur la réforme des institutions, le plan climat-énergie et la relance économique.
Gouvernement de gaffeurs
Darcos se datise-t-il ? Le ministre de l'Education Nationale a sans doute largement atteint le niveau d'impopularité de sa collègue de la Justice. Il conserve une différence : quand Dati gaffe, il préfère provoquer. On ne sait pas quel est le sentiment profond du Monarque à l'encontre de ce "fidèle" qui s'est aliéné la quasi-totalité du corps enseignant. Cette semaine, ces derniers ont innové dans leurs formes de protestation : concerts dans les écoles, appels à la désobéissance pédagogique, "réveillons revendicatifs" en soirée, etc.
Pour Rachida Dati, la messe semble dite. sa dernière gaffe a été immédiatement corrigée. Quand elle qualifie de "bon sens" la recommandation de la Commission Varinard d'enfermer les enfants de 12 ans les plus violents, François Fillon la tacle aussitôt en se déclarant "totalement hostile à ce qu'on mette en prison des enfants de 12 ans".
Nicolas Sarkozy devrait commencer à s'inquiéter d'un autre fidèle: Frédéric Lefebvre, député pour quelques mois encore (sauf démission d'André Santini) et toujours lobbyiste professionnel, fait feu de tous bois dans les médias pour exister et provoquer. Il lui arrive de trébucher, comme avec ses déclarations il y a 10 jours en faveur de la détection des comportements violents à la maternelle.
Mais Sarkozy est déjà très agacé par ses autres parlementaires. Voici les sénateurs et députés de son camp exprimer coup sur coup leur autonomie. L'un d'entre eux dépose un amendement de défiscalisation partielle des pertes en bourse, et c'est la bronca même à droite ! Une soixantaine de parlementaires UMP ont aussi écrit publiquement leur désaccord avec la généralisation du travail le dimanche. Et le Nouveau Centre, supplétif centriste du pouvoir, hésite à voter la réforme de l'audiovisuel. Il est drôle - ou triste - de constater que ceux qui n'ont jamais émis le moindre état d'âme au sein du camp présidentiel sont les "débauchés de gauche" Kouchner, Bockel et Besson. Ces collaborateurs-là de Nicolas Sarkozy s'accrochent à la branche présidentielle comme à une radeau de survie.
Rama fait sa star
Mais l'énervement présidentiel principal de la semaine concerne Rama Yade. Nicolas Sarkozy n'a pas apprécié qu'elle décline publiquement son invitation à la candidature sur la liste UMP des élections européennes de juin prochain conduite par Michel Barnier. La punition est venue le lendemain : elle ne remplacera pas Jean-Pierre Jouyet qui quitte le secrétariat d'Etat aux Affaires Européennes, et son propre poste en mai 2007 est ensuite qualifiée d'inutile par son ministre de tutelle. Mais pour qui se prend-elle ?
60ème anniversaire de la Déclaration des Droits de l'Homme des Nations Unies oblige, il fut beaucoup question de droits de l'homme cette semaine. Samedi dernier, le monarque a reçu son écharpe blanche du chef spirituel tibétain. le Dalaï-lama ne lui tient pas rigueur de l'avoir boudé en juillet dernier. On a peine à comprendre la logique d'une politique qui promeut le dialogue avec les tyrans de ce monde pour mieux les maîtriser et faire du commerce, puis s'attire leurs foudres quelques mois plus tard. La Chine n'était pas contente, et l'a fait savoir.
Le "dérapage" de Bernard Kouchner, mercredi à propos de Rama Yade, a aggravé le symbole : la politique étrangère de la France depuis mai 2007 n'est qu'un renoncement intégral en faveur du réalisme politique le plus cynique.
Lundi, devant un parterre de prix Nobel de la Paix, Nicolas Sarkozy a eu beau jeu d'avouer qu'il cherchait lui aussi sa "bonne décision", celle qui fera date dans l'histoire de la défense des droits de l'Homme.
Ne cherchez pas trop longtemps, Monsieur le Président..
Sarkozy réplique
Provocation supplémentaire, la guerilla parlementaire de la gauche a plombé l'examen de la réforme de l'audiovisuel public. A tel point que le secrétaire Roger Karoutchi a crû bon de vouloir reporter sine die le vote de la loi sur le travail du dimanche. Quel affront ! Le Monarque a répliqué dès le lendemain. Nicolas Sarkozy était contrarié de voir l'un de ses projets chéris, symbole de sa "rupture", être ainsi enterré sous le double coup d'une fronde interne et d'un agenda parlementaire enlisé. La loi sera présentée coûte que coûte !
Bizarrement, les proches du président français n'ont pas relevé cette étude comparative de la productivité européenne : la France arrive en tête du classement ! C'est un beau démenti à la propagande sarkozyenne. Ce projet de travail le dimanche est une belle hypocrisie. D'après sondage, les Français le souhaitent... mais pour les autres ! Il ne créera pas d'emplois ; il affaiblira le petit commerce, notamment de proximité; il étalera les ventes sur 7 jours au lieu de 6, et il dégradera un peu plus la convivialité familiale, déjà affectée par une précarisation croissante de l'emploi.
Merci Monsieur le Président.
Règlements de comptes à l'UMP
Sarkozy a enfin trouvé un placard pour loger bien au chaud son fidèle et fatigué Patrick Devedjian ("ministre de la relance" ?). Il a pu placer son "chouchou" à la tête de l'UMP. Pour la forme, Xavier Bertrand sera confirmé "par les militants" fin janvier. Il se murmure que Brice Hortefeux récupérerait le contrôle des investitures, tandis que le discret Alain Marleix, toujours au gouvernement, redécoupe au ciseau une carte électorale sur mesure pour le Président. Rachida Dati, encore elle, commence sérieusement à embarrasser son patron. Un journaliste a expliqué jeudi qu'elle était sereine car elle en savait beaucoup sur "les histoires de famille et du département des Hauts-de-Seine", notamment en matière de marchés publics du temps où Nicolas Sarkozy était le Président du département. La ministre est trop politique pour ne pas démentir. Ce fut fait vendredi.
Le grand rival Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée fourbit ses armes et maintient la pression. Il devrait se méfier, Sarkozy est capable de bien pire. Le conflit avec Villepin sur fonds d'affaire Clearstream en est un exemple. Au sein du camp présidentiel, les rivalités se gèrent à coups de barbouzes et d'avocats. C'est autre chose qu'au Parti Socialiste !
Les chiffres sont mauvais
Jour après jour, l'état du désastre économique dans lequel plonge notre pays se confirme. La réponse principale à la prolétarisation générale de nos concitoyens est à ce jour la généralisation du Revenu de Solidarité Active repoussée à ... juillet prochain. Nous renverrons nos lecteurs sur l'un des premiers bilans du RSA à Argenteuil dans le Val d'Oise : 884 bénéficiaires potentiels, un peu moins de la moitié ont trouvé un emploi, moins de 10% d'entre eux ont touché un complément RSA, entre 1€ et 686€... Les statistiques du chômage ne sont pas belles non plus: 3 922 400 chômeurs étaient inscrits à l'ANPE à la fin du mois d'octobre. Vous avez bien lu. Pas 2 millions mais près de 4 millions, quand on prend la peine d'inclure tous les travailleurs à temps partiels qui aimeraient bien "travailler plus." Et les seniors en "Dispense de Recherche d'emploi" sont exclus de ce comptage alors que la disparition de ce dispositif a été décidée par le gouvernement il y a 6 mois. La liste des fermetures provisoires ou définitives de sites s'allonge en France dans l'automobile et l'équipement (Peugeot, Renault, Ford, Faurecia, Mefro, Bridgestone, Michelin, Manitou, La Barre Thomas, Molex, Plastic Omnium, Toyota, Valeo), l'intérim (Adecco), l'alimentaire (Amora Maille), la distribution (la Camif, la Redoute), l'habillement (Bata), les technologies (HP, Sony), la chimie et la sidérurgie (Rhodia, Arkema, Henkel Technologies, ArcelorMittal), et la pharmacie (Pfizer, Sanofi-Aventis, 3M).
Autre chiffre, autre déception : le déficit commercial de la France s'est à nouveau creusé au en octobre, à plus de 7 milliards d'euros, soit presque le double d'octobre dernier.
Agacé le Président ? Il y a de quoi. Certaines phrases, cette semaine, révélaient surtout un narcissisme non conventionnel: "Je suis libre en tant que président de la République française de mon agenda" répondit-il aux critiques chinoises. Libre ? La charge présidentielle n'emporte-t-elle pas son lot de contraintes et de devoirs ?
Satisfaction européenne
Heureusement, Nicolas Sarkozy peut être satisfait de ses dernières semaines de présidence européenne. "Il était radieux, il jubilait" rapporte-t-on. Si son action contre la crise économique fut faible, il s'en sort avec les honneurs de la communication politique: «Ce qui se passe est vraiment historique» s'est-il réjoui vendredi après-midi. Les ouvriers d'Arcelor-Mittal se réjouissent également. Il est vrai que le Monarque a sauvé les apparences. Certes, les restaurateurs français attendront encore un peu ("on décidera fin mars !") pour leur TVA à taux réduit, mais l'Irlande a accepté d'organiser un nouveau référendum sur le Traité de Lisbonne. Certes, quelques conditions irlandaises demeurent, comme le maintien de son commissaire européen, de sa neutralité militaire, de son autonomie fiscale et la non-remise en cause de sa législation sur l'avortement par le traité. Que reste-t-il dans le Traité ? Un machin technocratique de quelques centaines de pages pour régir les désaccords à 27 ?
Certes, le Plan Climat-énergie a été adopté par les 27 chefs d'Etat : 20% d'émissions de gaz à effet de serre en moins par rapport à leurs niveaux de 1990, 20% d'énergie renouvelable dans la consommation, et 20% d'économies d'énergie. Sarkozy a bien lâché un peu de lest - on ne lui en tiendra pas rigueur - mais les mesures coercitives pour les récalcitrants sont ... inexistantes. Qu'est donc ce plan écolo ? Une belle déclaration d'intentions ? Dans le détail, les industries pollueurs ne paieront qu'après 2013. Cinq ans encore tranquilles. Merci Président.
Les hésitations européennes ont failli planté la réunion voisine de Poznan, en Pologne, où 12 000 délégués de tous les pays ont fini par accoucher d'un calendrier et d'un programme de négociation d'un nouveau traité contre le changement climatique.
Le Monarque a même réussi à se féliciter de l'adoption du plan de relance économique de 200 milliards d'euros. Une belle lanterne ! Ce plan intègre les efforts disparates des Etats. La vraie mesure commune est ... l'autorisation accordée à la Commission Européenne d'allouer 5 milliards d'euros de fonds européens non dépensés à l'effort collectif. De quoi parle-t-on ?
Agacé ou fatigué ? Nicolas Sarkozy est peut-être simplement déçu d'abandonner la présidence européenne dans quelques jours, et se contenter de "collaborateurs" aussi frondeurs ou gaffeurs.&alt;=rss